mardi 18 août 2020

"Entre dialogue et divergences, construire un espace partagé" - Déclaration de la ligue des droits de l’Homme et du cullettivu « A maffia nò a vita iè »

Déclaration de la ligue des droits de l’Homme et du cullettivu « A maffia nò a vita iè » après leur réunion de travail le 1er août 2020 en mairie de Venacu

« Nos deux organisations partagent plusieurs constats :

- Une société en danger

Des dérives de plus en plus prégnantes liées à un système maffieux pour le cullettivu, à une criminalité organisée pour la LDH, mettent notre société en danger.

- Une insupportable impunité

La plupart de ces dérives restent sans réponse du côté de la justice. Cette impunité laisse les victimes et leurs proches, des centaines de familles, dans la souffrance et la solitude. Pour les citoyens, elle interdit toute compréhension des mécanismes criminogènes qui pèsent sur la société. En effet, en mettant à nu ces mécanismes, les procès permettent d’éclairer les citoyens ;

- Le refus d’une fatalité

Depuis plus de trente ans, de nombreuses mobilisations ont dénoncé ces violences, signifiant le refus d’une fatalité.  Plus récemment, deux collectifs contre la maffia se sont créés et des rassemblements de protestation ont été organisés contre les violences criminelles. Sans l’intervention des citoyens pour une société de justice, la situation continuera à s’aggraver.

 

De la responsabilité des élus, une appréciation différente

Le cullettivu dispose de nombreux témoignages faisant état d’une porosité entre la sphère politique et des intérêts maffieux. Dans ce contexte délétère, il prend acte d’une absence de réponse à sa demande d’un débat sur les dérives maffieuses à l’Assemblée de Corse. Il précise qu’il rejette le slogan « les élus, tous pourris ». Il indique changer de stratégie par la mobilisation des citoyens et des interventions hors de Corse, notamment vers l’Europe.

La LDH rappelle que des élus ont été menacés et visés par des attentats comme l’ont été des magistrats et l’institution judiciaire. C’est toute la société corse qui est sous pression. Elle refuse les propos amalgamant tous les élus et toute forme de délation, position de principe partagée par le cullettivu. De son côté, elle confirme vouloir continuer à travailler avec les élus et les institutions en Corse.

 

Un désaccord de fond sur la justice

Le cullettivu propose une réforme du code pénal inspirée par la législation anti-mafia italienne pour répondre à la violence qu’impose la maffia à la société. Il revendique la création d’un délit d’association mafieuse, des cours composées exclusivement de magistrats en vue de juger des affaires complexes de grand banditisme, le renforcement du statut de collaborateur de justice, la systématisation de la saisie des avoirs criminels et leur distribution sociale.

La LDH est opposée à toute mesure d’exception rappelant l’imprécision du délit d’association de malfaiteurs, ainsi que le droit à la présomption d’innocence, le droit de se défendre face à un accusateur, la nécessité d’un procès à armes égales entre l’accusation garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle observe que les juges de la JIRS chargés de la criminalité organisée et de la délinquance financière de grande complexité ne demandent pas de réforme du code pénal.

 

La transparence des marchés publics, une exigence partagée

Nos deux organisations s’interrogent sur les modalités d’attribution de marchés publics. Elles constatent l’émergence de monopoles qui dominent notre système économique. Elles rappellent les propos du député René Dosière, militant infatigable contre les dérives financières, appelant à lutter contre les monopoles ainsi que l’alerte lancée par la Banque mondiale avec un risque aggravé de corruption lié à la mise en œuvre des plans de relance économique répondant à la crise due au coronavirus. Elles rappellent les violences associées au déploiement du PEI.

Certes, l’Etat dispose de la Chambre régionale des comptes (CRC), du pôle économique et financier de Bastia, de l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, du service de renseignement TRACFIN. Hormis les publications de la CRC, il est difficile d’accéder à des bilans précis de l’action menée en Corse par l’Etat avec les autres dispositifs. Après un échange particulièrement nourri, nos deux organisations décident de travailler ensemble sur la question de l’utilisation de l’argent public avec la volonté de mobiliser les citoyens et d’autres organisations de la société civile.

 

La Ligue des droits de l’Homme – section de Corse

U cullettivu « A maffia nò, a vita iè »