mardi 15 mai 2018

Communiqué - Des massacres qui révoltent nos consciences

La ligue des droits de l’Homme est horrifiée. Des massacres de manifestants palestiniens par dizaines, des milliers de blessés. Parmi les victimes, des enfants. Chaque jour nous amène son lot d’horreurs dont sont responsables l’armée israélienne et en premier lieu, le gouvernement de ce pays. Ces crimes contre l’humanité révoltent toutes les consciences. Il s’agit aussi d’une politique guerrière que le président Trump soutient, voire alimente.
Que fait la France hormis quelques messages de protestation ? Que fait l’Europe de la défense des valeurs qui sont à son fondement : la paix, les droits de l’Homme ?
Veut-on laisser les faiseurs de guerre imposer leur loi en Méditerranée ?

vendredi 11 mai 2018

Communiqué suite aux tags menaçant la Procureure de Bastia

La LDH dénonce les tags qui menacent nommément la Procureure de Bastia. Ces inscriptions sur l'enceinte du Palais de Justice sont inacceptables.
Il est inadmissible de faire ainsi pression sur l'institution judiciaire en visant une personne qui la représente.
La LDH de Corse apporte son soutien à Madame la Procureure de Bastia.

Plaidoiries pour les droits de l'Homme organisées par la section en partenariat avec le Rectorat : article de Corse-Matin


jeudi 3 mai 2018

"La Ligue des Droits de l'Homme préconise une amnistie fiscale pour les prisonniers politiques corses" sur Alta Frequenza

ALTA FREQUENZA - Ecoutez André Paccou pour la Ligue des Droits de l'Homme.

(Frédéric Bertocchini - Alta Frequenza) - La Ligue des Droits de l'Homme se félicite de la motion adoptée par l'assemblée de Corse qui lors de sa dernière session d'avril, dénonçait le fichage FIJAIT de militants nationalistes poursuivis ou condamnés dans le cadre de l'antiterrorisme. Les amendes infligées à leurs encontre ont pour conséquence, selon la LDH, une précarisation de ces anciens prisonniers, ainsi que de leur famille. La Ligue des Droits de l'Homme préconise ainsi une amnistie fiscale qui pourrait prendre la forme d'un effacement des amendes.
Communiqué de la section - 2 mai
Lettre ouverte aux élus territoriaux - 18 mars

Solidarité avec le Pays Basque - 4 mai : rencontre internationale pour faire avancer la résolution du conflit au Pays Basque

Lire sur le site BAKE BIDEA - Le chemin de la paix  
Lire la Tribune de Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH :
 Le choix de la paix
3 mai 2018
L’autodissolution de l’ETA met un terme à un processus qui a débuté en 2011, s’est poursuivi en 2017 par le désarmement, et se clôt en 2018 par une analyse des erreurs et fautes commises et la disparition de cette organisation. Par Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH.
Le choix politique qui a été fait de proscrire le recours à la violence et d’adhérer à la vie démocratique fait l’objet de deux interprétations. Celle des autorités espagnoles, en particulier du parti populaire au pouvoir, qui relève de la victoire militaire contre l’ennemi accompagné d’un « vae victis » qui frappe ceux et celles qui sont emprisonnés ou que l’on pourchasse encore. La décision toute récente de la juge d’instruction, en charge des affaires catalanes par ailleurs, de tenter de poursuivre des personnes emprisonnées en France pour crimes contre l’humanité, l’organisation de procès contre des membres de l’ETA mais aussi contre celles et ceux qui se bornent à dire publiquement leur adhésion au processus de paix ou le refus de mieux traiter les prisonniers, attestent de l’impossibilité de ces autorités de penser la situation autrement qu’en termes de vengeance. D’une vengeance qui s’ancre dans l’histoire de l’Espagne, qui sonne comme une revanche contre des hommes et des femmes qui ont légitimement lutté contre le franquisme avant de se fourvoyer dans une logique militaire qui a hypothéqué l’idée d’indépendance et les a conduit à des violences inacceptables.
Qui peut penser un seul instant que continuer à poursuivre, juger, emprisonner, stigmatiser apportera l’apaisement souhaité et souhaitable ?
L’autre interprétation s’inscrit dans une autre perspective : celle d’une société réconciliée avec elle-même, en mesure de mener les débats qui l’agitent dans un cadre démocratique, respectueuse de l’Autre et qui refuse toute vérité sélective.
Ce n’est pas le chemin le plus aisé. Il implique d’écouter les souffrances endurées et de ne rien cacher. Car cette histoire ne s’écrit pas en noir et blanc. S’en tenir à l’ETA postfranquiste et militarisée, c’est oublier ce qu’ont été les années antérieures et leur cortège d’humiliations et de violences. C’est oublier que la torture a accompagné les GAL dans une quasi-impunité au point que la CEDH vient encore de condamner les plus hautes juridictions espagnoles pour avoir innocenté des forces de l’ordre manifestement coupables d’actes de tortures[1]. Ce qui est ici en cause, ce n’est pas un quelconque marchandage entre les responsabilités des uns et des autres, c’est l’absolue nécessité de ne rien laisser dans l’obscurité y compris lorsqu’il s’agit de faire la vérité sur des affaires encore non élucidées. C’est dans l’obscurité que s’entretiennent les rancœurs et les haines.
Dire ce qu’ont été ces années, c’est aussi reconnaître les victimes, toutes les victimes, pour ce qu’elles sont et pour leurs souffrances. Pas pour en faire des enjeux d’intérêts partisans ou politiques mais bien pour leur restituer leurs droits de femmes et d’hommes qui ont subi et subissent encore.
C’est, enfin, admettre que cette histoire ne se raconte pas d’une seule voix et qu’entendre ce que dit l’Autre, c’est admettre d’être bousculé dans ses certitudes.
Est-ce que ceci passe par les canons habituels du système judiciaire ? Probablement pas, tant celui-ci s’avère incapable, d’un côté et de l’autre des Pyrénées, de prendre acte des évolutions qui ont eu lieu quant il ne donne pas la sensation de vouloir les ignorer au profit d’apriori idéologiques voire politiques.
C’est aux sociétés civiles qu’il appartient de faire entendre aux autorités françaises et espagnoles que le choix de la paix ne peut être enfermé dans les formes rigides de la justice qui, pour reprendre une formule célèbre, ne reste qu’une administration bien qu’elle porte le nom d’une vertu.
L’imagination du cœur et de la raison doit permettre d’élaborer des moyens et des méthodes qui, certes, sortiront des cadres habituels, mais qui permettront de construire un dialogue entre tous les acteurs de cette histoire sans nier les responsabilités de chacun mais aussi sans se perdre dans les travers d’une vengeance perpétuelle.
La responsabilité des dirigeants politiques, en France comme en Espagne, c’est d’accompagner ce mouvement et non de l’empêcher. Les autorités françaises ont commencé à desserrer l’étau carcéral tout en restant très deçà de ce qui peut être fait. Il faut mettre à profit ce moment précieux pour faire le choix définitif de la paix.
Michel TUBIANA
Président d’honneur de la LDH
Artisan de la paix
[1] Décision non définitive du 13/02/2018 Portu Juahenea et Sarasola Yarzabal c/ Espagne

mardi 1 mai 2018

Communiqué de la section


La Ligue des Droits de l’Homme se félicite de la motion adoptée par l’Assemblée de Corse lors de sa dernière session d’avril qui dénonce le fichage au FIJAIT de militants nationalistes poursuivis ou condamnés dans le cadre de l’antiterrorisme, et qui proteste contre les amendes que certains d’entre eux se voient infligés avec comme conséquence évidente, la précarisation pour eux-mêmes et leurs familles. En ce sens, la LDH avait adressé en mars dernier, une lettre ouverte aux élus territoriaux leur demandant d’intervenir sur ces questions.
Elle rappelle que depuis plusieurs mois, des personnes ayant purgé leurs peines sont à nouveau confrontées à la justice parce qu’elles n’acceptent pas les contraintes que leur impose leur inscription au FIJAIT. Elles sont aussi confrontées à l’administration fiscale qui leur demande de régler des amendes exorbitantes au nom des dommages subis par l’Etat. La LDH s’adresse de nouveau aux élus territoriaux. Face à l’urgence de ces situations, il est nécessaire d’envisager une amnistie fiscale qui peut prendre la forme d’un effacement des amendes. Il est tout aussi nécessaire d’obtenir que les condamnés politiques corses soient exceptés de l’application du dispositif FIJAIT.
Lire la lettre ouverte aux élus territoriaux du 18 mars

Corsenetinfos

mercredi 18 avril 2018

Comité de solidarité avec la Catalogne - Cumitatu di sulidarità cù à Catalunya : présentation du Manifeste de la solidarité avec la Catalogne en conférence de presse

Manifeste de la solidarité avec la Catalogne
Pour adhérer au manifeste écrire à sulidaritacatalunya@gmail.com

Pour tous les peuples, la démocratie demeure une conquête précieuse et fragile. Elle est sans cesse mise à l’épreuve et exige de la même façon la vigilance des citoyens.
Aujourd’hui, les évènements qui se déroulent en Catalogne nous inspirent la plus vive inquiétude.

Arrestations et incarcérations de responsables associatifs et politiques ; violences policières contre des manifestants dignes et pacifiques ; mesures répressives contre des fonctionnaires, des députés, des maires, des médias, des entreprises ; mise sous tutelle étatique d’une institution régionale, coupure du réseau Internet et d’autres réseaux de télécommunication : au nom de la défense et de la restauration de l’ordre constitutionnel, le gouvernement espagnol avec l’appui de l’appareil judiciaire , multiplie les violations de l’Etat de droit.
Les droits civiques et politiques sont particulièrement atteints : la liberté de parole et de réunion pacifique, le droit à l’information, celui de manifester librement et pacifiquement. Nous refusons cette dérive répressive.

Nous en appelons à l’Union Européenne. Celle-ci ne peut fermer les yeux sur la violation de l’Etat de droit en Espagne au prétexte d’une affaire intérieure à ce pays. Ce serait abdiquer des droits et des libertés fondamentales garantis par la Convention Européenne des Droits de l’Homme, par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et par les articles 2 et 6 du Traité de Lisbonne qui est la loi fondamentale de l’UE.

Des juges en Europe refusent cette répression politique. Ils n’appliquent pas le mandat d’arrêt européen. Ils s’opposent à l’extradition de dirigeants catalans poursuivis par Madrid et réfugiés dans leur pays. Des comités de solidarité avec la Catalogne s’organisent également partout en France et en Europe. Ils interpellent les gouvernements et l’UE. Ils font un travail d’information pour mobiliser les opinions européennes. Ils rappellent que le débat sur l’indépendance appartient aux Catalans. Ce qui les mobilise, c’est la démocratie. Le Comité que nous avons créé en Corse s’inscrit pleinement dans cette démarche.

Pour tous les peuples, la démocratie demeure une conquête précieuse et fragile. En Espagne, elle a fini par s’installer après la mort d’un dictateur dans son lit. Mais malgré une structuration globalement démocratique de l’Etat espagnol, ce pays ne connaît toujours pas un début de règlement de son passé franquiste. C’est ainsi que l’on est encore à la recherche de 130 000 corps, disparus de la guerre civile, et que les familles des victimes demandent toujours justice.

De toute évidence, un régime qui emprisonne ses adversaires politiques ne peut prétendre défendre les libertés publiques et œuvrer dans le sens de la démocratie. Les événements récents de Catalogne exigent la plus grande vigilance des citoyens. L’UE ne peut, par cécité, se faire complice de cette régression démocratique dans un de ses pays membres.

Convaincus qu’il revient aux citoyens de rappeler que la démocratie et les droits de l’homme sont constitutifs du projet européen, nous, signataires, affirmons notre solidarité avec la Catalogne.
Nous n’acceptons pas que Madrid obère le processus démocratique par la mise hors-jeu de ses adversaires.
Nous demandons la remise en liberté sans attendre des personnes détenues et l’arrêt des poursuites judiciaires engagées pour tous les dirigeants catalans concernés.
Nous demandons le respect des résultats du vote intervenu en Catalogne le 21 décembre 2017 et la mise en place d’un gouvernement autonome conforme à la majorité des urnes.
Nous en appelons à un retour, au plus vite, de toutes les garanties démocratiques qui fondent l’Etat de droit afin que soit organisé un référendum permettant au peuple catalan de décider de l’avenir de la Catalogne.

Ajaccio, 18 avril 2018


sulidaritacatalunya@gmail.com
Sulidarità Corsica-Catalunya : 

mardi 10 avril 2018

"Construire des temps d’avenir en Corse" - Tribune d'André PACCOU publiée dans Hommes & Libertés de mars

Pour un projet de transformation démocratique et sociale en Corse.

En obtenant la majorité absolue à l’élection territoriale de décembre dernier - 56,5% des suffrages exprimés - les nationalistes confirment leurs résultats à l‘élection municipale de mars 2014, avec la conquête de plusieurs dizaines de municipalités dont la ville de Bastia, ainsi que leur première victoire à la territoriale de 2015 et leurs résultats à la législative de juin 2017 avec l’élection de trois députés sur quatre.

2014-2017 : un tournant historique

Certains relativisent cette nouvelle progression en arguant d’un taux d’abstention élevé au second tour de l’élection territoriale, 47,4%. Mais contestent-ils la légitimité de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, issue d’un scrutin marqué au second tour par une abstention nationale supérieure de dix points à celle observée au second tour de l’élection corse.

La période 2014-2017 constitue un tournant dans l’histoire contemporaine de la Corse. Elle assoit l’implantation électorale des nationalistes et confirme le déclin des clans qui structuraient la scène politique insulaire depuis plusieurs décennies. A gauche, le clan Zuccarelli battu à Bastia lors de la municipale de 2014 par la liste de Gilles Simeoni et le clan Giacobbi désormais absent de l’Assemblée nationale et de l’Assemblée de Corse. A droite, le clan de Rocca de Serra défait à l’élection cantonale de 2011 dans son fief historique de Porto-Vecchio par le nationaliste Jean-Christophe Angelini. A nouveau battu lors de la législative de 2017 par un nationaliste, Paul-André Colombani.

Enfin félicitons-nous de l’échec de l’extrême-droite lors de cette dernière territoriale. Quelle que soit sa version, jacobine avec le FN, ou se revendiquant du peuple corse et particulièrement impliquée dans les récentes agitations racistes et xénophobes, l’extrême- droite ne sera plus représentée à l’Assemblée de Corse.

Le cercle vertueux de la démocratie

En annonçant la fin des attentats en juin 2014, le FLNC a contribué à cette évolution. Mais il ne faudrait pas pour autant sous-estimer l’engagement nationaliste dans le combat démocratique bien avant cette annonce.  Durant ces cinquante dernières années, les nationalistes ont participé régulièrement à des élections. Ils se sont fortement investis dans le mouvement civique et social.

Au sortir des décolonisations, le nationalisme inspire les jeunes générations. Il se déploie dans tous les domaines. Sa dénonciation du clanisme et de ses perversions rappelle que le droit de vote et d’être élu demeure une conquête des citoyens. Son implication dans le riacquistu (1) ou pour la réouverture d’une université en Corse porte l’espoir d’une identité ouverte, fondée sur un nouveau droit linguistique, le développement culturel et le droit à l’éducation. Sa contribution aux luttes sociales, avec le syndicat des travailleurs corses devenu le premier syndicat de salariés dans l’île, accompagne l’émergence d’un salariat urbain… Au fil du temps, le nationalisme étend progressivement son hégémonie politique et culturelle sur la société corse. Ne pas prendre en compte cette influence sur le développement démocratique à l’œuvre depuis les années 1970, c’est ne pas voir un des fondements de la question corse : l’affirmation progressive d’une nouvelle société politique.

La fabrication d’un nouvel imaginaire politique

En effet depuis la fin des années 60, un renouveau démocratique travaille la société corse. De même, une succession d’évènements de nature diverse s’entremêlent ; d’une part des attentats mais aussi des assassinats, d’autre part des manifestations de rue, des actions devant la justice, des grèves, des débats publics... Hors de l’île, la représentation d’une société chaotique, désordonnée, violente domine, conséquence selon un rapport parlementaire établi au lendemain de l’assassinat du préfet Erignac, de « l’attitude ambigüe que les Corses observent à l’égard du droit et, plus généralement, à l’égard des règles d’organisation d’une société démocratique moderne. » (2) On sait ce qu’il adviendra de cette caricature et de la restauration de l’état de droit préconisée dans ce rapport puis confiée à un préfet, Bernard Bonnet, visant par tous les moyens à déstabiliser la société corse pour mieux la soumettre au droit exclusif de l’Etat.

Durant cette période, un demi-siècle, la société politique corse qui émerge n’est pas prisonnière des agitations. Elle s’émancipe. Elle se réapproprie une histoire plus lointaine. Elle met en scène les révolutions démocratiques corses du dix-huitième siècle, la Constitution de Pascal Paoli, la conquête française… La citation de Jean-Jacques Rousseau « J’ai le sentiment qu’un jour, cette petite île étonnera l’Europe » devient une référence (3). Dans les consciences, un nouveau temps historique se déploie. Une continuité s’établit entre le temps présent, celui d’un bouillonnement démocratique, et une histoire plus lointaine. La certitude de partager un destin commun dans la longue durée devient une conviction partagée au-delà du nationalisme : « La Corse fabrique des Corses ».

Pendant un temps, la gauche comprend ces évolutions. Le 12 avril 1989, devant l’Assemblée nationale, Michel Rocard, premier ministre, déclare : « Votre question me permet d'exprimer aujourd'hui mon sentiment profond… sur ce que l'on a appelé ici ou là le problème corse… Le mal… vient de loin. Il est donc nécessaire de rappeler les raisons de la situation actuelle. La France a acheté les droits de suzeraineté sur la Corse à la République de Gênes, mais il a fallu une guerre pour les traduire dans les faits. ». Et d’ajouter : « Pendant que nous construisions, sous la Ill e République, notre démocratie locale, nos conseils généraux, nos libertés communales, la Corse était sous gouvernement militaire. » (4). Le 2 mai 1990, l’article 1er du projet de loi du ministre de l’intérieur Pierre Joxe reconnaît « le peuple corse, composante du peuple français » (5). Le Conseil constitutionnel (6) censurera cette formule symbolique.

Mais peu importe cette décision face à « un peuple...qui malgré les incertitudes et les doutes, s’invente dans de nouvelles conditions de lutte auxquelles un art nécessairement politique doit contribuer » (7). Trente années ont passé. Le peuple corse demeure un projet de société.

Il faut savoir raison garder

Aujourd’hui, la situation corse lorsqu’elle est perçue comme un syndrome catalan désoriente bien des esprits. Les amalgames l’emportent alors sur la capacité à distinguer des situations différentes. La capacité à agir sur le réel est aussi atteinte. Pour la Corse, l’Etat va-t-il se laisser gagner par cette mauvaise fièvre ?

Certains tenants de l’ordre établi tirent en arrière en s’appuyant sur quelques relais politiques locaux afin de diviser pour mieux régner. A la veille des élections territoriales, ils procèdent au transfert autoritaire d’une compétence sur le logement social à la Communauté de communes du pays ajaccien au détriment de la Collectivité de Corse. Le clanisme est sur le déclin mais les candidatures à un néo-clanisme ne manquent pas. Les mêmes veulent maintenir une tutelle de l’Etat sur la Corse : le décret instaurant une Chambre des territoires de Corse dans le cadre de la création de la Collectivité unique ne prend en compte aucun des avis émis par l’Assemblée de Corse même lorsqu’il s’agit simplement d’améliorer la parité hommes femmes au sein de cette institution. Ce sont toujours les mêmes qui parient sur un échec de la majorité nationaliste dans la mise en œuvre de la nouvelle collectivité unique.

Dans le même temps, l’Etat annonce une possible inscription de la Corse dans la Constitution et un droit de différenciation dans l’application de la loi pour toutes les régions, semblant hésiter entre une reconnaissance de la singularité corse au plus haut niveau de la loi et une banalisation de la question corse, une région comme les autres. Il rappelle systématiquement des lignes rouges à ne pas dépasser.

« Gouverner, c’est prévoir » dit-on. Que ceux qui ont en responsabilité la conduite de l’Etat fassent leur cette devise. Ou bien ils considèrent la Corse comme une ligne Maginot et les Corses comme des ennemis intérieurs. Ou bien ils entendent les aspirations des Corses à plus de droit, plus de responsabilité et davantage de maîtrise de leur destin.

Construire des temps d’avenir

L’Etat peut changer rapidement de trajectoire. En contribuant à l’apaisement par la simple application de la loi en matière de liberté conditionnelle, de fin de peine de sûreté et de transfèrement en Corse pour tous les prisonniers politiques. En décidant d’engager un dialogue sans tabou avec l’Assemblée de Corse. Dès lors, chaque partie devra avoir en conscience sa part de responsabilité dans le devenir de ce dialogue. Répondre à la fois à un impératif démocratique - à terme, renoncer à la clandestinité et en finir avec la répression politique et l’antiterrorisme. Répondre également à un impératif de solidarité -  rétablir au plus vite une situation sociale normale, l’accès aux droits pour des dizaines de milliers de personnes victimes de la précarité voire de la grande pauvreté pour un Corse sur cinq.

Nous vivons dans un monde mondialisé et interdépendant. Et dans ce monde-là, l’émergence de nouveaux espaces politiques infra et supra-étatiques ainsi que la constitution de firmes transnationales réduisent la vision d’un Etat seul souverain dans son palais à un mirage. Doit-on pour autant constater les migrations dangereuses pour les victimes de la guerre et de la misère, le saccage de notre environnement, le recul de la diversité culturelle et linguistique comme autant de fatalités ? Ce serait ignorer les résistances et les transformations à l’œuvre. Ce serait abdiquer toute citoyenneté et démissionner de nos responsabilités envers les générations futures. Le débat sur la Corse relève de cette dimension.

La Corse est à un tournant historique, écrivons-nous plus haut. La question de la société politique corse, à la fois la citoyenneté en Corse et celle son déploiement institutionnel, doit être abordée clairement. Dans notre monde, poser la question d’une responsabilité partagée avec l’Etat, c’est vouloir répondre à la nécessité de nouvelles régulations démocratiques au niveau local. En ce sens, un pouvoir législatif peut être attribué à la Collectivité unique en relation par exemple, avec les compétences d’aménagement et de développement de l’institution.

Si ce pouvoir est attribué à l’Assemblée de Corse, alors il faudra en tirer toutes les conséquences en terme de citoyenneté, et donner le droit de vote et d’être élu à celles et ceux qui sont installé-e-s durablement dans l’île, quel que soit leur lieu de naissance ou leur lignage.

Mais l’impératif démocratique est indissociable de l’impératif de solidarité. Ici comme ailleurs, l’abstention s’explique principalement par le désengagement de citoyens victimes de la raison économique. La Collectivité de Corse peut être mise au service d’un projet de transformation démocratique et sociale. La citoyenneté sociale n’aura d’existence que si elle se traduit par une participation effective de tous les citoyens à la définition, au suivi et à l’évaluation des politiques publiques mises en œuvre par cette Collectivité. Dans le prolongement du développement démocratique à l’œuvre depuis cinquante ans, il s’agit d’organiser l’agora du XXIe siècle, « l’agir ensemble » qui permettra de réinventer le rôle des institutions de la République afin de mieux lutter contre les inégalités et de promouvoir la diversité culturelle et linguistique.
 « Lorsqu’on veut changer les choses et innover dans une république, c’est moins les choses que le temps que l’on considère » Faisons nôtre cette réflexion de La Bruyère (8). Considérons que des temps nouveaux, des temps d’avenir sont plus que jamais à l’ordre du jour. Mais dans l’immédiat, il revient au gouvernement de répondre à la main qui lui est tendue.

             (1)        En français, la « réacquisition ». Important mouvement social de réappropriation de la culture et de la langue corse (création de chants et de groupes polyphoniques, de pièces et de troupes de théâtre, multiplication de publications, universités d’été pour la réouverture de l’université de Corse…)
           (2)       « Corse, l’indispensable sursaut » (rapport fait sur l’utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse adopté par l’Assemblée nationale le 2/9/2018)
(3)       « Le contrat social » de Jean-Jacques Rousseau
  (4)       Journal officiel de la République française – débats parlementaires – Assemblée nationale (Année 1989. N° 7A.N. (C.R.) – Jeudi 13 avril 1989)
(5)       Projet de loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
(6)       Décision 91-290 DC du 9 mai 1991
(7)       « L'image-temps » de Gilles Deleuze (Extrait repris dans l'introduction du « Manifeste pour les produits de haute nécessité » d’Ernest Breleur, Patrick Chamoiseau, Serge Domi, Gérard Delver, Edouard Glissant, Guillaume Pigeard de Guibert, Olivier Portecop, Olivier Pulvar, Jean Caide William)

                    (8)   « Les caractères » de Jean de La Bruyère    
     

samedi 7 avril 2018

Constitution du Comité corse de solidarité avec la Catalogne - Cumitatu corsu di sulidarità cù a Catalogna

 Corte le jeudi 5 avril,
Une cinquantaine de personnes ont répondu à l’appel de François ALFONSI (ancien député européen), Marie-Pascale CASTELLI (enseignante à l'Université de Corse), MINICALE, André PACCOU (délégué de Corse de la ligue des droits de l’homme), François TORTOS.
Les échanges ont porté sur la gravité des atteintes aux droits de l’Homme et à la démocratie en Catalogne.
L’ensemble des participants a adhéré à une démarche de mobilisation de la société corse à l’exemple de nombreux comités de soutien à la Catalogne qui existent en France et en Europe.
Dans quelques jours, un manifeste sera rendu public et ouvert à la signature du plus grand nombre.
Il s’agira d’interpeller le gouvernement de Madrid pour que soient remis en liberté, sans plus tarder, les militants politiques et associatifs incarcérés, dont certains depuis l’automne 2017. Il faut aussi que soit mis un terme aux poursuites judiciaires engagées pour tous les dirigeants catalans concernés.
 Démocrates et militants d’une Europe des droits sont invités à se mobiliser pour la Catalogne dès le mardi 17 avril à 18h30 à l’Université de Corse - Campus Mariani - Corte.