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jeudi 29 mai 2025

Tribune de Nathalie Tehio, présidente de la LDH : "La communauté internationale face à sa responsabilité : ne pas laisser détruire le peuple palestinien"

 28 mai 2025 – Tribune de Nathalie Tehio « La communauté internationale face à sa responsabilité : ne pas laisser détruire le peuple palestinien » publiée sur Médiapart

Israël « contrôle » Gaza de manière continue depuis 1967. En réponse à l’attaque du 7 octobre 2023, son gouvernement d’extrême droite met en œuvre une politique caractérisée de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, et ce que nombre de juristes qualifient de génocide. Depuis quelques semaines, c’est l’expulsion de la population avec un objectif d’annexion qui se déroule devant nos yeux.

Désormais, nombre de dirigeants qui refusaient de critiquer la politique menée par cette extrême droite, ou qui même la soutenaient en arguant qu’Israël ne mettait en œuvre que son droit à se défendre, ont décidé de ne plus couvrir ce qui se faisait. Ainsi, ont-ils pris conscience, enfin, que leur soutien les ferait apparaître aux yeux de toutes et tous complices du génocide à l’œuvre, aujourd’hui comme devant l’histoire.

Puisque celles et ceux qui dirigent les principales puissances ont décidé de s’exprimer, un premier verrou a donc sauté. Face à un Etat gouverné par l’extrême droite qui se considère intouchable, il faut que les actes accompagnent les paroles. Près de deux ans après les déclarations des ministres israéliens qui annonçaient sans rien cacher ce qui se déroule aujourd’hui devant nos yeux, il est urgent de réussir à arrêter l’opération en cours. Et la communauté internationale dispose de tous moyens nécessaires pour le faire.

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Depuis vingt mois, une éternité, Israël s’emploie à détruire Gaza, et, pour agir sans témoin, en interdit l’accès aux journalistes, quand ceux-ci ne sont pas délibérément tués (plus de deux cents actuellement).

L’accumulation des morts par bombes d’une tonne, par première frappe puis duplication lorsque les secours étaient sur place, par destruction des hôpitaux et des écoles, des musées, de quartiers entiers… a traduit en évidence ce que des responsables israéliens avaient explicitement annoncé. Un processus génocidaire s’est mis en branle.

Il a donc fallu la toute récente période avec l’organisation revendiquée de la famine, de la privation de tout médicament, d’accès à l’eau… pour que vienne une condamnation de la part de ceux dont la voix manquait depuis tellement de temps.

On est avec Gaza dans ces moments d’histoire où la violence du plus fort semble ne pas se donner de limite, ces moments où rien ne semble pouvoir peser sur la situation pour y ramener du sens.

Face à cette hubris, nos protestations sont sans effet sur le gouvernement d’Israël, malgré le renfort de celles et ceux qui ont été trop longtemps aveugles ou ne voulaient pas voir. En revanche, l’élargissement des protestations doit nous permettre d’obtenir que nos gouvernements et l’Union européenne exercent enfin une pression efficace sur les dirigeants d’Israël, pour mettre fin immédiatement à la politique génocidaire menée à Gaza.

Au-delà de Gaza, il n’échappe à personne que la politique des dirigeants d’Israël est un tout, qui se développe en Cisjordanie, à Jérusalem-Est, vis-à-vis de la population des Palestiniens d’Israël, au Liban, en Syrie… Il n’y aurait aucune rationalité à accepter la politique qui y est mise en œuvre comme plus acceptable là qu’à Gaza, avec cette extrême droite qui ne se fixe aucune limite quant à la façon d’atteindre son objectif affirmé de destruction du fait national palestinien.

Combien de fois a-t-on entendu, quelle que soit la politique des dirigeants d’Israël, que toute critique était par nature antisémite, c’est-à-dire formulée parce qu’ils étaient juifs ? Combien de fois a-t-on entendu qu’Israël agissait comme il le faisait parce qu’il n’avait pas de partenaire pour faire la paix ? Ce sont les arguments que mettent encore et toujours en avant les dirigeants d’extrême droite, cette fois plus que jamais pour obtenir de la communauté internationale qu’elle ne se mêle pas d’un règlement du conflit. Car la « solution » qu’ils affirment vouloir ne prévoit aucunement que la population juive israélienne et la population palestinienne vivent côte à côte, en paix, en sécurité.

Alors oui, la communauté internationale doit prendre ses responsabilités face à une politique israélienne qui tente d’imposer la loi du plus fort contre le droit et la justice. On sait désormais tous ce qu’il va se passer si elle continue à laisser-faire, voire acquiesce passivement aux actes d’annexion et de contrôle des territoires. On ne peut l’accepter.

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La LDH (Ligue des droits de l’Homme) est une organisation de défense des droits, de tous les droits, et de leur effectivité pour toutes et tous. C’est sa boussole pour analyser la réalité et indiquer ce qui doit changer.

Or, ce qui se joue également à Gaza ou en Cisjordanie, c’est la capacité du droit international humanitaire à contraindre les Etats au respect des règles qu’ils se sont données en ratifiant des conventions internationales. La Cour internationale de justice (CIJ) a enjoint à Israël de prendre un certain nombre de mesures, face à un risque plausible de génocide et les Etats membres de l’ONU auraient dû en imposer l’exécution. La CIJ a également ordonné la libération des otages par le Hamas.

L’Assemblée générale des Nations unies, se fondant sur un avis de la CIJ du 19 juillet 2024 a également indiqué (dans une résolution du 18 septembre 2024) que la présence continue de l’Etat d’Israël dans le Territoire palestinien occupé était illicite et elle lui a enjoint d’y mettre fin, outre les exigences de réparation du préjudice causé. La France a voté cette résolution qui a fixé la date butoir au retrait israélien à un an après (septembre 2025). Elle va bientôt co-présider une conférence internationale sur l’application des résolutions de l’ONU sur la Palestine. Elle se doit de les mettre en œuvre et notamment reconnaître l’Etat palestinien. De la même façon, elle doit veiller à exécuter les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre du chef d’Etat israélien et de l’ancien ministre de la défense, Yoav Gallant.

La France doit peser sur l’Union européenne pour activer l’article 2 de l’accord d’association avec Israël afin de suspendre l’application de ce traité, en raison de la violation grave des droits humains. Des sanctions doivent être prises. Et, bien entendu, le commerce des armes doit cesser avec Israël. Nous pouvons aussi agir pour peser sur ces prises de décision.

Il faut être conscient que sans le respect du droit international, ni la population juive israélienne ni la population palestinienne ne pourront vivre côte à côte, en paix et en sécurité.

Aujourd’hui plus que jamais, il nous faut agir et nous mobiliser pour mettre fin au pire !

 Nathalie Tehio, présidente de la LDH