Huit heures pour la solidarité 2007/2012

Première édition des Huit heures pour la Solidarité en 2007                                                 

La solidarité dans tous ses états


 

Aujourd'hui, oser revendiquer la solidarité apparaît comme une utopie.

Chaque jour un peu plus, l'humanité semble vouloir le chacun pour soi, ici et maintenant. Qu'importe les dégâts puisque le bonheur est au bout de la route pour celui qui gagne la compétition ! Et chacun, évidemment, de croire que ce bonheur là lui est promis.

La Corse n'échappe pas à cette illusion même s'il subsiste, ici comme partout ailleurs, un peu de nostalgie pour un passé que l'on imagine meilleur au gré des humeurs du temps présent.

Mais il n'y a pas de fatalité. Au-delà de la revendication, au-delà également de réflexes évidents d'altruisme pour faire face à des situations d'urgence, la solidarité sera encore demain, si nous le voulons, un fondement de nos sociétés.

Parce qu'elle lie la responsabilité et le destin de chacun, elle demeure une alternative pour le monde que nous laisserons aux générations à venir.

Il suffit simplement d'affirmer que l'homme n'est pas un loup pour l'homme; que les inégalités, les exclusions, les solitudes sont des dénis d'humanité; et que l'humanité ne se réduit pas à une foule d'individus soumis à la loi du plus fort, mais qu'elle est une et indivisible.

Face au chacun pour soi ici et maintenant, dès à présent, nous pouvons opposer une parole insoumise qui discute de la solidarité. C'est ce que propose la Ligue des Droits de l'Homme et du Citoyen, le vendredi 7 décembre 2007 au Palais des Congrès d'Ajaccio, de 15h30 à 23h30, dans le cadre de conférences débats, d'expositions, d'un buffet suivi d'un concert.

Trois thèmes seront particulièrement abordés :
      La solidarité entre les générations
      Pour un développement local solidaire
      La solidarité à l'heure de la mondialisation


Seconde édition des Huit heures pour la Solidarité en 2008                                                 

La Méditerranée à l'heure du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme


La Méditerranée est une vaste frontière au carrefour de trois continents et d’un nombre mouvant de pays riverains (vingt sept pays au début du vingt et unième siècle). Un carrefour sur lequel, à travers l’histoire, les empires se sont succédé d’une rive à l’autre. Un espace autour duquel les civilisations,  la puissance, l’influence, ont constamment fluctué. Cette frontière est, certes, une ligne de partage entre un Nord et un Sud, entre un Orient et un Occident, entre des zones tempérées et des zones arides, des zones de stabilité et des zones de crise, des zones de relative abondance et des zones de pénurie. Mais c’est aussi un espace de circulation au sein duquel personne n’a jamais réussi à vivre longtemps au mépris des autres. Un espace au sein duquel l’unilatéralisme est impossible et s’est toujours révélé sans lendemain.

De nos jours, les hommes et les femmes de part et d’autre des multiples lignes de partage qui définissent l’aire méditerranéenne, ne bénéficient pas des mêmes droits, des mêmes opportunités, des mêmes chances et des mêmes garanties. Il y a dans ce genre de situation et sur ce genre de frontière deux attitudes possibles. Celle qui consiste pour les plus riches, les mieux lotis, les plus chanceux, à se protéger, à se barricader, sous prétexte de défendre les acquis et pour empêcher les moins chanceux de venir cueillir chez eux quelques fruits de l’abondance ou profiter à la marge des garanties d’une société. Et puis il y a l’attitude qui consiste à se montrer intelligemment solidaire, à dialoguer, à organiser l’accueil, à réfléchir au moyen d’étendre le bénéfice de la richesse, à éviter les drames individuels, les migrations risquées sur des routes périlleuses, à faire le constat réaliste des besoins réciproques, à penser que dans un tel espace, l’avenir se prépare ensemble et que les forteresses ne résistent jamais longtemps. 

Le droit à l’éducation, le droit à la santé, le droit au travail, la liberté de penser et le droit de s’exprimer, le droit de circuler, le droit à la dignité et à une justice équitable, pour tous les individus, hommes et femmes de manière égale, sont des notions universelles et indivisibles inscrites dans la Déclaration de 1948. Elles sont selon les lieux à conforter ou à conquérir. Garantir l’avenir et le renforcement de ces droits dans les sociétés qui en bénéficient, c’est obligatoirement aider les sociétés qui n’en bénéficient pas encore à les conquérir. Cela ne se fait ni par la force des armes, ni par l’intransigeance des diktats, ni même par l’arrogance des discours.  Cela se propage par l’échange, par le dialogue, par l’aide apportée aux victimes, par la pression exercée sur les puissants, par l’exemple.


Durant huit heures nous vous invitons à partager cette idée d’une Méditerranée fraternelle autour d’expositions, de projections de reportages documentaires, d’un grand débat, de chants, de théâtre, de danse  et autour d’un buffet.
PALAIS DES CONGRES LE VENDREDI 19 DECEMBRE 2008


Troisième édition des Huit heures pour la Solidarité en 2009                                                   

Femmes en Méditerranée : De quels droits?

Quatrième édition des Huit heures pour la Solidarité en 2010  

La Palestine au cœur  

Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine auprès de l'Union Européenne, s'est rendue à Ajaccio, à l'invitation de la section.                                                  


PRESENTATION DES HUIT HEURES DANS UN ARTICLE DE CORSE-MATIN :
http://www.corsematin.com/article/culture-et-loisirs/leila-shahid-invitee-dhonneur-des-%C2%AB-8-heures-pour-la-solidarite-%C2%BB.178637.html

Leïla Shahid invitée de l'émission Cuntrastu à France 3 Corse :
http://www.youtube.com/watch?v=0I1fPn5_Tf8 

Le témoignage de Leïla Shahid sur Alta Frequenza :
(Laetitia Pietri - Alta Frequenza)"Leila Shahid la déléguée générale de l'Autorité palestinienne auprès des instances européennes a fait le voyage en Corse répondant ainsi à l’invitation de la Ligue des Droits de l’Homme locale. Il faut dire que cette année la Palestine et le droit du peuple palestinien à disposer d’eux-mêmes est le thème retenu pour la manifestation 8 heures pour la solidarité. La situation dans ce pays est toujours très tendue. Sous occupation militaire depuis plus de 40 ans, elle ne cesse de se détériorer. Ecoutez le témoignage de Leila Shahid la déléguée générale de l'Autorité palestinienne."
http://www.alta-frequenza.com/l_info/l_actu/palestine_le_temoignage_de_leila_shahid_45074


Cinquième édition des Huit heures pour la Solidarité en mars 2012 (édition reportée pour accueillir Souhair Belhassen, qui fut urgemment sollicitée sur tous les continents en 2011)
Les sociétés civiles méditerranéennes en mouvement



La Ligue des Droits de l’Homme sur le terrain
8 heures pour la Solidarité
5ème édition *
La section de Corse de la Ligue des Droits de l’Homme, en partenariat avec la Ville d’Ajaccio, le Conseil Général de Haute Corse, la Collectivité Territoriale de Corse et les trente et une organisations associatives et syndicales de la Charte de la société civile corse,
vous invite au débat public
Les sociétés civiles méditerranéennes en mouvement
Une réflexion sur la question méditerranéenne et la Corse
Samedi 17 mars 2012 à 15h00 - Palais des Congrès - Ajaccio
Invités

Mme Souhayr Belhassemprésidente de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme.
Première femme à occuper ces responsabilités, elle reçoit, en 2011, le prix Takreen de la femme arabe pour son action en faveur des droits de l'Homme,et le prix Nord-Sud du Conseil de l'Europe en reconnaissance de son engagement pour les droits de l'Homme et de son combat pour les droits desfemmes. Elle coordonne le Groupe d'Action pour les droits des femmes et est soutenue par deux prix Nobel de la Paix, le Sud-Africain Desmond Tutu etl'Iranienne Shirin Ebadi.
Un parcours exemplaire et symbolique du rôle majeur joué par les femmes dans les changements historiques intervenus dans le monde.

Monsieur Michel Tubianaprésident d'honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
Avocat à la Cour d’appel de Paris, Michel Tubiana devient membre de la Ligue des droits de l’Homme en 1978. Il sera successivement Secrétaire général, Vice-président, Président et Président d’honneur.
Il est secrétaire général de la plateforme non gouvernementale euromed et membre du Comité exécutif du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme.
* La précédente édition, en novembre 2010, a accueilli Mme Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine auprès de l'Union européenne, pour ouvrir le débat sur les sociétés civiles au cœur du bassin méditerranéen.

Article de Corse-Matin :
Deux journées à Ajaccio pour une Méditerranée "solidaire"
Publié le lundi 12 mars 2012 à 10h26
Vendredi et samedi, la cinquième édition des « Huit heures pour la solidarité » organisée par la ligue des droits de l’homme se tiendra au palais des congrès. Deux personnalités internationales sont attendues
La salle Matisse du palais des congrès d'Ajaccio s'apprête à vibrer pour les couleurs de la Méditerranée des peuples. La Ligue des droits de l'homme (LDH) reconduit les « Huit heures pour la solidarité » vendredi et samedi prochains.
Après avoir reçu en 2010 Leïla Shahid, (la déléguée générale de la Palestine auprès de l'Union européenne), deux invités de marque seront au cœur des débats cette année pour la cinquième édition : Souhayr Belhassen et Michel Tubiana. « La réflexion sera structurée autour des sociétés civiles en mouvement », annonce le délégué régional de la Ligue des droits de l'homme, André Paccou.
Le programme des deux journées sera marqué par des temps forts sur le terrain et dans les conférences.
« Nous serons reçus au cours d'un déjeuner de travail le 16 mars par les présidents de l'assemblée de Corse, Dominique Bucchini et de l'exécutif, Paul Giacobbi », annonce André Paccou. En début de soirée, la délégation aura les honneurs d'une réception à l'hôtel de ville par le député-maire Simon Renucci.
La ligue d'un côté Le Pen de l'autre
Le lendemain, une rencontre sera organisée avec les grévistes de la faim à Vero protestant contre l'incarcération de Guy Orsoni poursuivi dans des affaires criminelles. Utilisation de moyens politiques pour le droit commun ? Confusion des genres ? André Paccou qui soutient le mouvement conduit par Alain Orsoni, affirme que cette visite était « nécessaire »« La ligue traditionnellement est contre les grèves de la faim car ce sont des procédés extrêmes ; ici, nous soutenons ce mouvement qui peut avoir des conséquences dramatiques », affirme-t-il.
À la suite de cette rencontre, histoire de rester dans le même bain, un déjeuner de travail sera organisé avec certains avocats appartenant au collectif contre la justice d'exception. La réunion publique aura lieu samedi au palais des congrès, de 15 à 17 heures. C'est ce même jour et dans le même bâtiment, à quelques dizaines de mètres, que Marine le Pen devrait tenir un meeting dans la cité impériale. Si, bien entendu, la candidate Front national à l'élection présidentielle a bien recueilli d'ici là l'intégralité des fameuses 500 signatures permettant d'affronter le scrutin universel.
Belhassen, Le Pen… Une coïncidence « regrettable ». Mais la LDH n'appelle pas à la provocation ni à la polémique : « Ce sont les hasards du calendrier : d'un côté il y aura une militante arabe des droits de l'homme, de l'autre, une militante qui n'aime pas l'immigration arabe ».
Articles de Corse Net Infos :


Michel Tubiana invité de l'émission Cuntrastu à France 3 Corse :
http://www.youtube.com/watch?v=k0xoIv7VmKM



Sixième édition des Huit heures pour la Solidarité en novembre 2012
Avec les migrants,construire une autre Méditerranée

LIRE LE DOSSIER DE PRESSE :
https://workspaces.acrobat.com/?d=Qr7mgoHJy1LdDvHmSrKavA

Programme présenté sur Alta Frequenza :

(Alex Bertocchini - Alta Frequenza) - La Ligue des Droits de l’Homme de Corse organise ce week-end les 8 heures de la solidarité. « Avec les migrants, construire une autre Méditerranée » est l’axe fort de cette manifestation. Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH et aussi un grand nombre d’intervenants tenteront ainsi de répondre à un certain nombre de questions sur le thème. En marge de ce rendez-vous, la ligue Corse rendra un hommage appuyé à Antoine Sollacaro, qui fut respectivement adhérent, président et avocat du comité Corse. Il s’agira ainsi, pour les membres actuels, de rappeler les combats menés par l’ancien bâtonnier, assassiné le 16 octobre dernier à Ajaccio.
> Lingua corsa
(A redazzioni d'Alta Frequenza) - A Lega di i Diritti di l'Omi di Corsica urganizeghja issa dumenicata l'8 ori di a sulidarità. "Cù i migranti, custruscia un antru Mediterraniu" hè u slogan forti di issa manifestazioni. Michel Tubiana, presidenti d'unori di a LDH è dinò parechji altri intarvinanti pruvarani à risponda à dumandi numarosi nant'à issu tema. Aldilà di iss'appuntamentu, a lega Corsa rindarà un umaghju forti à Antoine Sollacaro, chì era membri, presidenti è avucatu di u cumitatu Corsu. Si trattarà dunqua, pà i membri attuali, di rammintà i cumbatti purtati da l'anzianu rispunsevuli di l'ordini di l'avucati, tombu u 16 d'uttrovi in Aiacciu.
Écoutez André Paccou.  Présentation des huit heures


LIRE L'ARTICLE DE Corse-Matin :
Invité hier de l'émission "Cuntrastu", Bertrand Badie fait le tour du monde
Publié le lundi 19 novembre 2012 
                         Bertrand Badie sur le plateau de France 3 Corse Via Stella. Michel Luccioni

Réélection d’Obama, mondialisation aux formes nouvelles, printemps arabes ou encore nationalismes régionaux, ce prof à sciences Po et spécialiste des relations internationales a un avis tranché. Pertinent
L'occasion était trop belle. Invité par la Ligue des droits de l'homme, le spécialiste des relations internationales Bertrand Badie a fait un détour par le plateau du magazine politique Cuntrastu, sur Via Stella, pour répondre aux questions de Jean-Vitus Albertini, Roger Antech et Alexandre Sanguinetti. Et si, en tant que médias régionaux, France 3 Corse, Corse-Matin et RCFM se focalisent essentiellement sur l'actualité de l'île, l'émission diffusée hier soir a permis de faire un large tour d'horizon sur la marche du monde.
Face aux journalistes, Bertrand Badie n'eut guère de difficulté à faire œuvre de pédagogie. En se gardant bien de donner dans le politiquement correct. Prof à Sciences Po, associé au Centre d'études et de recherches internationales, il a même donné le ton, dès l'entame, en rebondissant sur une première question liée à la réélection de Barack Obama. Décrivant le président américain comme « un homme effroyablement seul. Aux États-Unis, où il est confronté à une lourde structure politico-militaire, sans relais en Europe et encore moins au Proche-Orient ».
Le tout sur fond de crise économique. Libéré du poids d'une nouvelle réélection, Barack Obama a sans doute gagné en liberté, mais comment s'extraire de cette « hégémonie passive » qui a caractérisé son premier mandat ? D'autant que la scène internationale est devenue, dans le droit, fil de la mondialisation, toujours plus complexe. « La tectonique des sociétés a remplacé le choc des Etats », a suggéré un Bertrand Badie qui n'a jamais cru en l'application d'un réel multilatéralisme. Ne serait-ce qu'en raison de la prééminence conférée aux cinq membres les plus puissants de l'Onu au sein de son conseil de sécurité… Et puis, surtout, la montée en puissance du secteur économique, financier et commercial a sérieusement contribué à changer la donne. « Difficile aujourd'hui de faire entrer ces opérateurs dans une discipline globale car ils ont pris leur autonomie», fera remarquer l'enseignant.
Un monde en mouvement donc, où, depuis l'Europe, on craint l'expression de l'islamisme. En la matière, Bertrand Badie a tenu à battre en brèche les raccourcis. Ceux qui conduisent notamment à glisser de l'Islam à l'islamisme, puis du salafisme pour arriver aux djiadistes… Bref, une islamophobie rampante qui se renforce de la peur, plus générale, de l'immigré. « En la matière, l'Europe est plus lucide que les états nations, et singulièrement le nôtre, car la dénonciation du migrant est devenue l'alibi confortable pour certains groupes politiques qui en ont besoin pour se faire réélire. » Et cette remarque, en passant : « La carte de l'Islam dans le monde se superpose presque avec celle des souffrances, celles liées aux conflits, à la pauvreté et à l'humiliation. »
La Méditerranée, un espace politique ?
D'où un rebond, naturel, en direction des printemps arabes et de leurs lendemains difficiles. Des mouvements sociaux nés d'une lutte contre l'autoritarisme, d'un désir de démocratie sans doute, mais aussi d'une volonté de dignité. Et maintenant ? « Ce printemps arabe va-t-il rester un mouvement social ou trouvera-t-il son transformateur politique ? pose l'universitaire.Sachant que, pour la première fois, ce type de phénomène révolutionnaire ne s'appuie pas sur une organisation ou une élite politique. »
Reste la toile de fond que compose la Méditerranée. Un ensemble qui est encore loin de former un espace politique, selon Bertrand Badie. « Les lignes de fracture et les incompréhensions sont trop fortes pour que l'on puisse bâtir une entité politique intégréeLes multiples tentatives - la dernière étant l'Union pour la Méditerranée - montrent qu'il y a un décalage entre l'affichage et la réalité quotidienne. » Enfin, sur l'évolution de la notion de territoire, Bertrand Badie a jeté un regard intéressé du côté des nationalismes régionaux. Comme ils se sont développés en Catalogne, aux Pays basque, en Corse ou encore en Belgique. « Des particularismes locaux qu'il ne faut pas tenir comme des legs du passé, a-t-il observé. Ils appartiennent à la respiration de la nouvelle forme prise par la mondialisation. » Reste à savoir comment ils s'adaptent à la marche du monde. « Il faut de l'imagination », dira le prof de sciences Po.

Hommage à Antoine Sollacaro, rendu par André Paccou à l'ouverture des huit heures :


A Antoine









« Il avait l’âme d’un dreyfusard »


Il y a quatre semaines à peine, Antoine était assassiné.

Ce jour-là, sans rien changer à ses habitudes, il se rendait à son cabinet. Il n’avait rien à craindre des personnes qu’il croiserait. Mais des tueurs en avaient décidé autrement. De toute évidence, ils avaient planifié leur sale besogne.

La simple évocation de ce terrible évènement nous projette hors du temps.
Nous n’acceptons pas.

Ce mardi 16 octobre, en Balagne, un homme  subissait le même sort qu’Antoine. Quelques jours plus tard, un autre homme était abattu à Propriano. La banalisation des assassinats est terrifiante.

Que pouvons nous faire ?
Que devons nous faire ?

Nous sentons confusément que tout aujourd’hui peut basculer vers un désordre généralisé. Nous avons les violences. Désormais, nous nous interrogeons sur les risques d’une répression sans retenue. Nous avons l’impunité. Nous craignons une punition collective.

Nous ne choisissons pas  entre notre liberté et notre sécurité.

Le désordre est déjà dans les discours. Ne nous perdons pas dans de mauvaises colères.  Remettons à leur juste place certains ragots. Ils sont quelques crachats que le vent de l’histoire se chargera de renvoyer à la figure de ceux qui ne respectent rien. Ils ne doivent couvrir les paroles sincères et les inquiétudes partagées ici et hors de Corse.

Ne perdons pas de vue les paroles qui ont du sens.
Par exemple, la déclaration du Barreau des avocats d’Ajaccio demandant  que le dossier d’Antoine soit retiré des griffes de la JIRS. Il faut saluer ces avocats qui n’ont pas oublié l’exhortation que leur avait adressé Antoine, qui fut leur Bâtonnier,  dans un discours de rentrée judiciaire devenu fameux :

« Le Barreau n’est inféodé à aucun pouvoir, il est un CONTRE POUVOIR, il doit faire face aux dérives du droit car seul le préoccupe la Justice, quel que soit le prix à payer, il doit être libre »

Etre libre.
Sous la plume d’Antoine, ces mots n’étaient pas un simple slogan.  Il signifiait un impératif de vie, une intime conviction.

Ses paroles fortes en étaient l’expression. Elles n’étaient pas de la provocation mais une arme destinée à bousculer l’ordre établi, particulièrement lorsque celui-ci se fonde sur le droit d’exception.

Quelques magistrats et quelques politiques en ont fait les frais. Mais l’essentiel pour Antoine était de dénoncer l’arbitraire et de chercher la vérité. Et pour cela, il n’y avait pas de demi-mesure. Il faisait en sorte que sa parole sorte du prétoire, qu’elle parvienne aux citoyens, qu’elle soit une interpellation des consciences.

C’est avec le même souffle que son fils Paul, au nom de la famille, interpelle aujourd’hui les institutions. Il demande que la justice passe pour connaitre la vérité. Il s’interroge sur le fonctionnement de la police et de la justice. Qu’y a-t-il d’offensant dans cette requête ?

Les policiers et les magistrats qui disposent des moyens d’exception que leur donne la loi disposent-ils également d’un pouvoir absolu ? Alors que les assassinats se multiplient, que l’impunité devient la règle, n’aurions nous pas le droit de contester des lois inefficaces dont Antoine n’a cessé de démontrer le caractère injuste ?

J’ai lu attentivement les mesures annoncées par le gouvernement. Evidemment, la volonté de lutter contre la criminalité n’est pas contestable. Mais la confiance politique une fois de plus renouvelée aux policiers et aux magistrats appliquant le droit d’exception est inquiétante. Nous connaissons par cœur les effets immédiats et à long terme de cette mauvaise stratégie.

Les déclarations de Paul Sollacaro sont dans ce contexte, d’autant plus pertinentes.

Hélas, si nous ne sommes pas entendus, si la force injuste de la loi l’emporte, sans aucun doute, il nous faudra reprendre le chemin de la protestation. Celui-là même que nous avons si souvent arpenté avec Antoine, l’avocat et le ligueur.

Un autre chemin contre l’injustice nous était commun.
Je veux parler ici des étrangers, particulièrement de ceux qu’on nomme les sans papier, comme si le destin de ces femmes et de ces hommes était de demeurer des individus sans identité véritable dans la société où ils vivent.

Combien de fois avec  Antoine avons-nous partagé des indignations devant le sort réservé à ces femmes et à ces hommes !

Cette révolte d’Antoine contre l’injustice faite aux étrangers est souvent occultée.
Elle était pourtant une part de son engagement. Elle est un passage obligé pour qui veut comprendre sa vision de la Corse et de l’humanité.

Pour faire face à des lois scélérates , comme celles qui remettent en cause le droit d’asile, Antoine n’hésitait  pas à convoquer « le droit coutumier, le nôtre » précisait-il «  qui imposait à l’époque sanglante de la vendetta, d’accueillir chez soi son propre ennemi qui demandait l’asile et de veiller à ce qu’il puisse repartir sain et sauf ».  Et d’ajouter : « C’était en des temps obscurs une lueur d’humanisme et de fraternité. »

Pour Antoine, l’engagement auprès de femmes et d’hommes venus d’ailleurs reposait sur cette nécessité de dire d’autres dérives répressives qui corrompent les sociétés démocratiques.

Souvenons-nous de ses plaidoiries lorsqu’il défendait un  père accusé d’avoir hébergé son gendre sans papier. Elles étaient des appels aux consciences devant le danger de la délation, d’un insupportable  délit de solidarité familiale, d’un détournement de la justice, à rattacher aux heures les plus obscures de notre histoire.

Et lorsque dans notre société, certains fantasmaient sur une Corse pure, se faisant les propagandistes de la haine raciste, Antoine n’était pas le dernier à prendre la parole. Il rappelait que « les Corses aussi ont connu la nécessité de l’exil » , et lançait cette réplique cinglante  à la figure des apprentis sorciers : « Corses, seriez-vous à ce point abâtardis, que vous soyez insensibles au malheur des faibles. »

Au droit d’exception et à l’arbitraire, à la xénophobie d’Etat et  au racisme parmi nous, Antoine opposait le talent d’un clerc engagé au service de la cause humaniste.
Il parlait haut et fort.
Il usait justement de la liberté d’expression.
Il avait l’âme d’un dreyfusard.

Il aimait la liberté et la justice par-dessus tout et il rêvait d’une Corse juste et libre.
Il aimait la Corse telle qu’elle est.
Il n’acceptait pas que sa communauté soit brocardée.
Mais pour autant, il ne taisait pas nos responsabilités.

Dans ce fameux discours prononcé à l’occasion d’une rentrée judiciaire, après  avoir dénoncé les caricatures anti corses au fondement  de dérives répressives, Antoine abordait la question des violences que produit notre société.

Il disait son inquiétude devant, je le cite, « la banalisation des comportements violents – retombée amère d’une lutte politique qui exigeait avant tout le sacrifice de soi-même – qui  ravage de fond en comble la société insulaire.

 « Quelques-uns » ajoutait-il « s’étant aperçu que l’intimidation d’autrui pouvait aller de pair avec une certaine impunité, et de plus rapporter gros, se sont organisés pour « flinguer » au propre et au figuré tout ce qui bouge. Et de conclure « On meurt maintenant pour des – on dit-, des soupçons, parfois de simples rumeurs »        

Ce regard sans concession que portait Antoine, il y a une douzaine d’années, sur une part de nous même, est d’une cruelle et troublante actualité.

Serions-nous définitivement prisonniers de cette histoire ?
La Corse ne connaîtra t-elle jamais le bonheur ?
Nous faut-il désormais abandonner le rêve d’une Corse libre et juste ?
La parole d’Antoine n’aurait-elle servi à rien ?

Pour ma part, je suis convaincu que le respect et l’amour pour cet homme sont plus forts que l’oubli et l’illusion d’une fatalité.
Que le souvenir de sa parole libre résonnera  longtemps comme un appel aux consciences.

Ajaccio, le 10 novembre 2012
André PACCOU
Membre du Comité central LDH