A
ce jour, Pierre Alessandri, Yvan Colonna et Alain Ferrandi restent avec leur
famille dans l’attente épuisante d’une perspective de réinsertion. Dans ces
dossiers, les autorités administratives, juridiques et politiques ne cessent de
se contredire et de souffler le chaud et le froid : levées du statut de
détenu particulièrement signalé par les commissions locales compétentes puis
maintien de ce statut par la dernière commission réunie ; semi-liberté accordée
par le juge d’application des peines puis appel du parquet antiterroriste, avec
pour Pierre Alessandri un rejet en appel de la décision du juge.
Quant
à la situation de ces hommes, celle-ci ne fait que perdurer : ils ne
seront pas rapprochés et leur peine ne sera pas aménagée à court terme. Impossible
pourtant de renoncer à notre volonté de poursuivre la mobilisation
pour leur libération ni d’abandonner les trois hommes dans le couloir d’une
perpétuité qui ne connaîtrait pas de fin.
La
ligue des droits de l’homme n’a pas été associée à la rencontre organisée en
décembre 2021 à l’Assemblée nationale. Certains nous ont interrogés à ce
propos. Nous n’en
connaissons pas les raisons. Toutefois, nous restons mobilisés, le respect du
droit et du principe d’égalité devant la loi étant pour nous les seules
priorités.
Ces
dernières années, ce sont ces arguments qui ont permis de dépasser une ligne de
partage implicite entre ceux qui ont condamné l’assassinat du préfet Claude
Erignac et ceux qui n’ont pas manifesté au lendemain de cet assassinat. Progressivement, le temps fait son œuvre, non
pas celui de l’oubli mais celui d’un recul nécessaire pour rendre intelligible
le présent et ne pas perdre des repères essentiels à un état de droit démocratique.
La
commission nationale consultative des droits de l’Homme le rappelle :"Tout
détenu a vocation à sortir un jour de prison, ce qui suppose une gestion de
cette perspective de sortie inéluctable dès le début de l’exécution de la
peine".
Le
dépassement de cette ligne qui semblait infranchissable il y a peu n’aurait été
possible sans l’engagement pour le droit à la justice des élus de l’Assemblée
de Corse de droite, de gauche et de la majorité présidentielle en juin 2019. Une
résolution en ce sens fut adoptée à l’unanimité après une réunion organisée par
le président Talamoni entre les présidents de groupe de cette assemblée, l’ora
di u ritornu et la ligue des droits de l’Homme.
Ce dépassement n’aurait pas connu de
lendemain s’il n’avait été relayé par une lettre engageant dans cette même
demande les six parlementaires de Corse, députés et sénateurs de droite, de
gauche, nationalistes et le président de la ligue des droits de l’Homme, signée
au siège national de la ligue des droits de l’Homme le 15 octobre 2019 et qui fut
adressée au président de la République et au premier ministre.
Ce
dépassement a enfin été consolidé par une tribune publique « Corse, pour
une application du droit à tous les prisonniers » signée par les députés
corses et des députés du continent dont cinq présidents de groupe de l’Assemblée
nationale.
Nous connaissons ce
qui résulte aujourd’hui de toutes ces démarches. Nous savons aussi depuis le
début la difficulté de ce combat pour l’application de la loi et le respect du
droit à l’égard des hommes considérés comme les protagonistes de l’assassinat
du préfet Erignac. L’exigence de justice est pourtant la seule alternative à cette terrible perspective d’une perpétuité réelle. Perpétuité réelle qui
selon la Cour Européenne des Droits de l’Homme méconnaît les exigences de
l’article 3 de la Convention relative « aux peines ou traitements
inhumains ou dégradants ». (Vinter et autres c. Royaume -Uni, arrêt Grande
Chambre du 9/7/2013.)
Nous ne pouvons abdiquer nos responsabilités et abandonner Pierre Alessandri, Yvan Colonna et Alain
Ferrandi à cette mort à petit feu entre les murs d’une prison. Notre silence
serait leur pire ennemi. Notre capacité à dire non, à résister, à nous
mobiliser, à être convaincus qu’il n’y a pas de fatalité constitue une part
essentielle de la réponse à apporter à ce déni d’humanité. La
ligue des droits de l’Homme appelle à poursuivre et à amplifier la mobilisation.
Il
faut consolider ce que nous avons construit autour de la résolution adoptée à
l’Assemblée de Corse en juin 2019. Il faut encore rassembler autour des mots
qui concluent la lettre envoyée au président de la république et au premier
ministre par les parlementaires corses et le président de la ligue des droits
de l’Homme : « La loi doit
s’appliquer dans toutes ses dispositions. Si certaines punissent et condamnent,
d’autres aussi fondamentales protègent et préconisent le rapprochement. Il
s’agit donc d’appliquer, sans exception la pleine exécution de la loi vis-à-vis
des citoyens égaux devant elle, sauf à démontrer qu’ils ne le seraient pas. Ce
qui est impossible ! »
Pour la LDH
Corsica : Jean-Claude ACQUAVIVA, Marie-Anne ACQUAVIVA, Pascal ARROYO,
Antonin BRETEL, Frédérique CAMPANA, Jean-François CASALTA, Jean-Sébastien de
CASALTA, Francine DEMICHEL, Sophie DEMICHEL, Francesca-Maria DURAZZO, Philippe
GATTI, Christine MATTEI-PACCOU, Gérard MORTREUIL, André PACCOU, Patrizia POLI,
Elsa RENAUT, Dominique RENUCCI, Sampiero SANGUINETTI
Corse-Matin 28 - 02 :