Démocratie,
solidarités et régulations
Intervention d’André Paccou (LDH) lors de la séance
plénière (réécriture)
« Certains ont évoqué la mobilisation contre le
projet de PADDUC de l’ancienne majorité. Impliquée dans ce mouvement, la LDH
avait noté, dès 2007*, que dans ce document, les mots « compétition »
et « concurrence » étaient omniprésents, utilisés plusieurs dizaines fois ;
et celui de solidarité quasi-absent. N’oublions pas que le langage structure la
pensée. Pour les tenants de ce projet, il s’agissait bien d’un choix de société
libérale sur le plan économique, inégalitaire sur le plan social, destructeur
sur le plan patrimonial ; un projet volontairement placé à l’abri du regard
des citoyens et des élus.
On se souvient que ledit projet était difficilement
accessible, sans aucune publicité. Dans le même temps, la remise en cause de la
loi Littoral était à l’ordre du jour et d’autres dérégulations étaient mises en
exergue, par exemple les low-coast dans les transports aériens. Tout ceci au
nom d’un développement dont l’ancienne majorité osait affirmer qu’il était
durable et qu’il serait profitable à tous.
Les choses ont bien changé avec l’actuelle majorité qui a
mis en place une méthode de travail associant l’ensemble des élus et la société
civile. La LDH a soutenu publiquement cette autre volonté politique inspirée
par une vision de la démocratie qui valorise le débat public et la
délibération. Elle s’est impliquée en participant activement à ce débat depuis
son lancement, lors des Assises du foncier et du logement.
Mais hélas, force est de constater que l’approche
privilégiant la compétition, voire la guerre de chacun contre chacun, reste
très prégnante dans la société. Elle se mesure avec l’augmentation de la
pauvreté et l’accroissement des inégalités car certains en profitent. Et
lorsqu’elle est poussée à son paroxysme, elle devient la loi de la jungle pour
reprendre ici l’expression utilisée dans le cadre d’un appel récent « Contre
les assassinats et la loi de la jungle ».
Dans ce contexte, il existe certaines colères à la
recherche de boucs-émissaires. Nous avons tous en tête les résultats réalisés
par l’extrême droite au premier tour des élections présidentielles. Il faut se
méfier des colères xénophobes.
L’urgence d’un PADDUC s’impose pour être l’une de ces
régulations sans lesquelles nous ne pouvons faire société. Mais attention
toutefois de ne pas faire dire au PADDUC plus que ce que la loi en dit.
Celui-ci n’est pas le remède miracle. Il est un outil de régulation disposant
d’un pouvoir normatif dans les domaines de l’aménagement et du développement mais
qui demeurera limité dans ses effets si par exemple, il n’est pas coordonné de
manière cohérente avec des outils relevant des mêmes domaines, les PLU et les
SCOT.
D’autres régulations sont aussi nécessaires qui ne
dépendent pas du PADDUC. Tout à l’heure, lorsqu’a été abordé la question de la
pauvreté, il a été fait référence de manière spécifique à la condition sociale
des immigrés sans papier. Ici, nous sommes devant l’inacceptable mais aussi
face à une hypocrisie de la part de l’Etat qui sait très bien que des centaines
de travailleurs en Corse sont sans papier. J’en appelle à la solidarité de tous
lorsque les associations se mobilisent pour la régularisation de la situation
de ces femmes et de ces hommes. Ce combat est aussi un combat contre le dumping
social, contre la dérégulation.
Dans le même temps, ne soyons pas rattrapés par des
schémas porteurs de nouvelles compétitions. Je pense ici à la politique des
métropoles qui visent à mettre en concurrence les territoires dans le cadre de
la mondialisation actuelle, et qui fonde le développement urbain sur les
critères du marché. L’échec du récent référendum « alsacien » peut se
lire comme un refus de cette politique de métropolisation, Strasbourg étant
vouée dans ce cadre à devenir une métropole européenne au détriment de Mulhouse
toute proche et englobée dans ce projet ; avec le risque évident pour
cette dernière de devenir un pôle moins attractif pour les investissements
publics et privés, voué au déclin, avec à moyen terme la remise en cause
possible de certains équipements publics tels l’hôpital ou les formations de
l’enseignement supérieur.
Nous devons être attentifs aux évolutions en Corse qui
portent ce type de dynamique de rationalisation des territoires, par exemple
une métropolisation à notre échelle, je pense à Ajaccio, qui ne ferait
qu’aggraver les fractures territoriales que nous constatons déjà.
Il ne peut y avoir de développement au service du peuple
corse, de notre communauté de destin sans développement démocratique, solidaire
et régulé. Dans ce sens, et pour en revenir plus précisément à notre travail
d’élaboration du PADDUC, j’estime qu’il est indispensable, pour la Collectivité
Territoriale de Corse, de mettre en œuvre une politique d’attribution d’aides conforme
à cette exigence de développement. Cette politique consisterait à accorder des
aides aux porteurs de projet dès lors que ceux-ci auraient respecté un certain
nombre de clauses sociales et autres, sur la base de ce qui existe déjà, un
indice de développement humain qui serait adapté à la Corse. "
André Paccou
*Suivre le lien : Le Padduc ? Il faut en débattre - Tribune dans La Corse-votre hebdo - 2007 (page "Textes de référence" du blog)