"Une
fois de plus, la justice a dit non au rapprochement dans une prison en Corse
d’Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri.
Une
fois de plus, elle a dit non à la perspective d’un aménagement de leur peine.
Pourquoi
cet acharnement ?
De
lourdes peines, parmi les plus lourdes peines de notre code pénal, ont été
prononcées à l’encontre de ces hommes condamnés pour leur participation à
l’assassinat du Préfet Claude Erignac.
La
réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 18 ans.
Telles sont les réparations exigées par la justice au nom des citoyens et de la
société.
Cela
fait maintenant plus de 20 ans qu’Alain Ferrandi et Pierre Alessandri sont
emprisonnés dans une prison hors de Corse. Ils avaient 40 ans. Ils en ont 60.
Ils ne
demandent pas l’amnistie. Ils ne revendiquent pas cette forme d’oubli.
Personne
ne peut oublier la douleur toujours actuelle infligée à madame Erignac et à ses
deux enfants. Il n’y a de place ici que pour le respect.
Personne
n’a oublié la volonté de déstabiliser l’Etat que signifiait cet assassinat.
Mais
l’Etat ne doit pas oublier le sens qu’il donne à la justice au travers de ses
engagements internationaux notamment les principes pour la protection de toutes
les personnes soumises à une quelconque peine de détention ou d’emprisonnement
de l’ONU, notamment les règles pénitentiaires européennes du Conseil de
l’Europe que la France a adoptées.
Ces
textes internationaux énoncent un même principe : le rapprochement du lieu
de détention près du foyer ou du lieu de résidence du détenu est une condition
de sa réinsertion.
L’Etat
ne doit pas oublier la hiérarchie des normes qui fonde l’Etat de droit. Et
pourtant, pour Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, une simple réglementation
disciplinaire, celle qui définit le statut de détenu particulièrement
signalé, le DPS, fait barrage à la mise en œuvre d’engagements
internationaux.
L’Etat
ne doit pas oublier la mission fondamentale, primordiale du service public
pénitentiaire, la réinsertion sociale. Comme le rappelle la commission
nationale consultative des droits de l’Homme "Tout détenu a vocation à
sortir un jour de prison, ce qui suppose une gestion de cette perspective de
sortie inéluctable dès le début de l’exécution de la peine".
Nous
sommes dans la vingtième année de l’exécution des peines d’Alain Ferrandi et de
Pierre Alessandri.
L’Etat
doit mettre en œuvre les modalités qui permettent cette réinsertion sociale que
la société attend pour sa sécurité.
Dans
cette affaire, l’Etat doit rompre avec sa vision expiatoire.
Nous
savons bien que le statut de DPS est ici instrumentalisé afin d’empêcher tout
rapprochement et tout aménagement des peines. Car aujourd’hui, aux dires mêmes
de ceux qui les observent quotidiennement, les personnels pénitentiaires, rien
ne justifie l’inscription d'Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri au répertoire des
DPS.
Pourquoi
donc faire perdurer un malentendu qui nous projette plus de vingt ans en
arrière, dans ce qui fut une impasse pour la Corse, l’Etat et la paix.
Agir
ainsi, ce n’est pas entretenir la mémoire du Préfet Erignac ; c’est hypothéquer
l’avenir en nourrissant de nouveaux malentendus.
La
justice n’est pas l’expiation.
Il est temps pour elle de contribuer à d’autres lendemains en
rompant avec des peines d’exception et en œuvrant, comme pour tout détenu, à
la réinsertion sociale de ces deux hommes."
Communiqué :
"L’Ora di u Ritornu et la Ligue des Droits de l’Homme de Corse remercient les femmes et les hommes ainsi que les partis et mouvements politiques (Voir plus grand, Andà per dumane, la voie de l’avenir – A strada di l’avvene, PNC, Corsica Libera, Femu a Corsica, Pattriotti, Core in fronte, Manca Naziunale) qui ont apporté leur soutien à Pierre ALESSANDRI et Alain FERRANDI lors de la conférence de presse qui s’est tenue le 27 juin devant la Collectivité de Corse. La rencontre qui s’en est suivie avec les présidents de groupes, le président de l’Assemblée de Corse et le président de l’Exécutif a permis de déboucher sur un consensus autour de deux idées fortes : le respect des règles de droit qui ne doivent souffrir aucune exception ni donner lieu à aucune discrimination. La prise en compte de l’intégrité humaine, intellectuelle et morale quel que soit le motif à l’origine d’une condamnation. Une motion de soutien large et unanime doit être débattue et votée au cours de cette dernière session avant l’été. Elle reprend les grands principes évoqués par le collectif et la ligue des droits de l’Homme à savoir : levée des DPS, rapprochement en Corse et mise en place d’un projet de réinsertion adapté et en cohérence avec les motivations de Pierre et Alain. L’Ora di U Ritornu et la Ligue des Droits de l’Homme appellent à étendre la mobilisation en participant le 14 juillet prochain, devant les portes du pénitencier de CASABIANDA, à un rassemblement le plus large possible de manière à exprimer notre détermination et notre volonté collective à trouver une solution juste, équitable et respectueuse de l’intégrité humaine."
27/06
Corse-Matin 28 / 06 :