Déclaration de la ligue des droits de l’Homme et du cullettivu « A maffia nò a vita iè » après leur réunion de travail le 1er août 2020 en mairie de Venacu
« Nos deux organisations partagent plusieurs constats :
- Une société en danger
Des dérives de plus en plus prégnantes
liées à un système maffieux pour le cullettivu, à une criminalité organisée
pour la LDH, mettent notre société en danger.
- Une insupportable impunité
La plupart de ces dérives restent sans
réponse du côté de la justice. Cette impunité laisse les victimes et leurs
proches, des centaines de familles, dans la souffrance et la solitude. Pour les
citoyens, elle interdit toute compréhension des mécanismes criminogènes qui
pèsent sur la société. En effet, en mettant à nu ces mécanismes, les procès
permettent d’éclairer les citoyens ;
- Le refus d’une fatalité
Depuis plus de trente ans, de nombreuses
mobilisations ont dénoncé ces violences, signifiant le refus d’une
fatalité. Plus récemment, deux collectifs contre la maffia se sont
créés et des rassemblements de protestation ont été organisés contre les
violences criminelles. Sans l’intervention des citoyens pour une société de
justice, la situation continuera à s’aggraver.
De la
responsabilité des élus, une appréciation différente
Le cullettivu dispose
de nombreux témoignages faisant état d’une porosité entre la sphère politique
et des intérêts maffieux. Dans ce contexte délétère, il prend acte d’une absence
de réponse à sa demande d’un débat sur les dérives maffieuses à l’Assemblée de
Corse. Il précise qu’il rejette le slogan « les élus, tous pourris ». Il
indique changer de stratégie par la mobilisation des citoyens et des
interventions hors de Corse, notamment vers l’Europe.
La LDH rappelle que
des élus ont été menacés et visés par des attentats comme l’ont été des
magistrats et l’institution judiciaire. C’est toute la société corse qui est
sous pression. Elle refuse les propos amalgamant tous les élus et toute forme
de délation, position de principe partagée par le cullettivu. De son côté, elle
confirme vouloir continuer à travailler avec les élus et les institutions en
Corse.
Un
désaccord de fond sur la justice
Le cullettivu propose
une réforme du code pénal inspirée par la législation anti-mafia italienne pour
répondre à la violence qu’impose la maffia à la société. Il revendique la
création d’un délit d’association mafieuse, des cours composées exclusivement
de magistrats en vue de juger des affaires complexes de grand banditisme, le
renforcement du statut de collaborateur de justice, la systématisation de la
saisie des avoirs criminels et leur distribution sociale.
La LDH est opposée à
toute mesure d’exception rappelant l’imprécision du délit d’association de
malfaiteurs, ainsi que le droit à la présomption d’innocence, le droit de se
défendre face à un accusateur, la nécessité d’un procès à armes égales entre
l’accusation garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales. Elle observe que les juges de la JIRS
chargés de la criminalité organisée et de la délinquance financière de grande
complexité ne demandent pas de réforme du code pénal.
La
transparence des marchés publics, une exigence partagée
Nos deux organisations
s’interrogent sur les modalités d’attribution de marchés publics. Elles
constatent l’émergence de monopoles qui dominent notre système économique.
Elles rappellent les propos du député René Dosière, militant infatigable contre
les dérives financières, appelant à lutter contre les monopoles ainsi que
l’alerte lancée par la Banque mondiale avec un risque aggravé de corruption lié
à la mise en œuvre des plans de relance économique répondant à la crise due au
coronavirus. Elles rappellent les violences associées au déploiement du PEI.
Certes, l’Etat dispose
de la Chambre régionale des comptes (CRC), du pôle économique et financier de
Bastia, de l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués,
du service de renseignement TRACFIN. Hormis les publications de la CRC, il est
difficile d’accéder à des bilans précis de l’action menée en Corse par l’Etat
avec les autres dispositifs. Après un échange particulièrement nourri, nos deux
organisations décident de travailler ensemble sur la question de l’utilisation
de l’argent public avec la volonté de mobiliser les citoyens et d’autres
organisations de la société civile.
La Ligue des droits de
l’Homme – section de Corse
U cullettivu « A
maffia nò, a vita iè »