Le 30 mars dernier, quelques
jours après la manifestation contre la méga-bassine de Sainte-Soline, la LDH
appelait à se rassembler pour dénoncer les violences policières et dire notre
solidarité avec les militants de l’environnement victimes de cette escalade
répressive.
Nous disions notre entier soutien
à Serge très gravement blessé par un tir de grenade et à sa famille.
Nous avions alors exprimé notre
inquiétude face à l’aggravation de la répression contre les syndicalistes et
les manifestants lors du conflit contre l’injuste « réforme » des
retraites mais aussi contre les militants écologistes de plus en plus en butte
à la répression et aux interdictions.
Le ministre de l’intérieur avait
alors répété ses accusations d’« écoterrorisme », en normalisant ce
néologisme politique. Déjà, il menaçait de dissolution les soulèvements de la
terre.
Cette escalade répressive se
confirme aujourd’hui avec le décret de ce matin qui acte la dissolution
administrative de ce mouvement.
De toute évidence, cette décision
vise à faire taire ce mouvement écologiste, à le réduire au silence lui et ses
soutiens.
Dans cette affaire, la LDH veut
aussi alarmer sur la grave confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif, au
détriment du juge judiciaire, garant des libertés et aussi des droits de la
défense
Comme
le montraient déjà de précédentes déclarations gouvernementales, réunir les
critères juridiques d’une dissolution administrative passe au second plan
derrière l’instrumentalisation politique, visant entre autres à justifier a posteriori les excès de violence de la répression de la manifestation du 25
mars à Sainte-Soline. La procédure de dissolution administrative se prête de
plus en plus à de telles confusions, surtout depuis l’élargissement des
critères issus de la loi « séparatisme », et est en passe de devenir
un acte banalisé de l’exécutif face à une contestation politique.
Ce n’est pas acceptable. Si des actions tombent sous
le coup de la loi, s’il y a provocation à des agissements violents, la
recherche d’infractions devrait être portée devant la justice, dans le respect
des droits de la défense. C’est là que la confusion redouble.
En effet, la dissolution administrative se confirme
après l’ouverture d’une information judiciaire, qui a occasionné de nombreuses
gardes à vue au début du mois de juin, autour de sabotages menés sur une
infrastructure de Lafarge, sans charges retenues finalement. L’argumentaire du
gouvernement a été complété dans l’intervalle. L’absence de césure claire entre
la procédure judiciaire et la préparation d’une décision administrative par les
services du ministère de l’Intérieur est alarmante, d’autant qu’il apparait que
les personnes interpellées ont été interrogées sur leurs opinions politiques et
leur perception de la radicalité.
Dans cette fuite en avant
répressive, encore plus préoccupantes sont les vagues d’arrestation, avec
perquisitions, gardes-à-vue prolongées, saisies de téléphone sous la direction
de l’antiterrorisme qui ont visé hier, à la veille de l’adoption du décret, près
de 20 militants sur tout le territoire Nantes, Bures, Tours, Marseille… mettant à exécution l’accusation d’« écoterrorisme ».
Des opérations de
police-spectacle coordonnées visant à mieux impressionner l’opinion publique et
à justifier la dissolution des soulèvements de la terre. En Corse, nous
connaissons bien ce comportement de l’Etat pour l’avoir vécu régulièrement ces
dernières décennies.
Et encore avant cela, il y a eu l’ambition du côté du ministère de l’intérieur, de mettre sur écoutes des centaines de militants écologistes et de syndicalistes. En 2022, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement a dû émettre 629 avis défavorables aux demandes d’écoute des services spéciaux, visant en partie la mouvance écologiste. L’autorité indépendante souligne que « les convictions politiques ou syndicales n’ont pas à être contrôlées ».
Dans un rapport daté du 15 juin, l’ONU
a enjoint
la France à se conformer à ses obligations internationales en matière de
protection des libertés fondamentales. Les
experts de l’ONU ont eux-mêmes interpellé le gouvernement sur « une
tendance à la stigmatisation et à la criminalisation des personnes et
organisations de la société civile œuvrant pour la défense des droits humains
et de l’environnement qui semble s’accentuer et justifier un usage excessif,
répété et amplifié de la force à leur encontre. »
Après les violences policières et
les gardes à vue massives lors de manifestations contre le recul de l’âge du
départ à la retraite, les menaces contre la LDH venant du sommet de l’Etat, le
vote au sénat de la restriction de la liberté syndicale des magistrats, la
dissolution d’un mouvement qui regroupe plus d’une centaine d’organisations,
des scientifiques, des intellectuels et des milliers d’individus doit plus que
jamais nous alerter quant à la volonté politique de s’en prendre à nos libertés
d’association, de manifestation et d’expression.
Cette volonté de museler les
contre-pouvoirs est inacceptable. Cette politique répressive met en danger ce
qui fonde la citoyenneté, nos droits sont en péril.
La criminalisation du mouvement
social et pour la justice environnementale est à l’œuvre et la dissolution des
soulèvements de la terre s’inscrit dans cette logique. Associations, syndicats,
nous sommes tous concernés. Soyons toutes et tous solidaires.
