mercredi 21 juin 2023

La section présente au rassemblement à Ajaccio pour dénoncer la dissolution administrative des Soulèvements de la terre

 

Prise de parole de la section :

Le 30 mars dernier, quelques jours après la manifestation contre la méga-bassine de Sainte-Soline, la LDH appelait à se rassembler pour dénoncer les violences policières et dire notre solidarité avec les militants de l’environnement victimes de cette escalade répressive.

Nous disions notre entier soutien à Serge très gravement blessé par un tir de grenade et à sa famille.

Nous avions alors exprimé notre inquiétude face à l’aggravation de la répression contre les syndicalistes et les manifestants lors du conflit contre l’injuste « réforme » des retraites mais aussi contre les militants écologistes de plus en plus en butte à la répression et aux interdictions.

Le ministre de l’intérieur avait alors répété ses accusations d’« écoterrorisme », en normalisant ce néologisme politique. Déjà, il menaçait de dissolution les soulèvements de la terre.

Cette escalade répressive se confirme aujourd’hui avec le décret de ce matin qui acte la dissolution administrative de ce mouvement.

De toute évidence, cette décision vise à faire taire ce mouvement écologiste, à le réduire au silence lui et ses soutiens.

Dans cette affaire, la LDH veut aussi alarmer sur la grave confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif, au détriment du juge judiciaire, garant des libertés et aussi des droits de la défense

Comme le montraient déjà de précédentes déclarations gouvernementales, réunir les critères juridiques d’une dissolution administrative passe au second plan derrière l’instrumentalisation politique, visant entre autres à justifier a posteriori les excès de violence de la répression de la manifestation du 25 mars à Sainte-Soline. La procédure de dissolution administrative se prête de plus en plus à de telles confusions, surtout depuis l’élargissement des critères issus de la loi « séparatisme », et est en passe de devenir un acte banalisé de l’exécutif face à une contestation politique.

Ce n’est pas acceptable. Si des actions tombent sous le coup de la loi, s’il y a provocation à des agissements violents, la recherche d’infractions devrait être portée devant la justice, dans le respect des droits de la défense. C’est là que la confusion redouble.

En effet, la dissolution administrative se confirme après l’ouverture d’une information judiciaire, qui a occasionné de nombreuses gardes à vue au début du mois de juin, autour de sabotages menés sur une infrastructure de Lafarge, sans charges retenues finalement. L’argumentaire du gouvernement a été complété dans l’intervalle. L’absence de césure claire entre la procédure judiciaire et la préparation d’une décision administrative par les services du ministère de l’Intérieur est alarmante, d’autant qu’il apparait que les personnes interpellées ont été interrogées sur leurs opinions politiques et leur perception de la radicalité.

Dans cette fuite en avant répressive, encore plus préoccupantes sont les vagues d’arrestation, avec perquisitions, gardes-à-vue prolongées, saisies de téléphone sous la direction de l’antiterrorisme qui ont visé hier, à la veille de l’adoption du décret, près de 20 militants sur tout le territoire Nantes, Bures, Tours, Marseille…  mettant à exécution l’accusation d’« écoterrorisme ».

Des opérations de police-spectacle coordonnées visant à mieux impressionner l’opinion publique et à justifier la dissolution des soulèvements de la terre. En Corse, nous connaissons bien ce comportement de l’Etat pour l’avoir vécu régulièrement ces dernières décennies.

Et encore avant cela, il y a eu l’ambition du côté du ministère de l’intérieur, de mettre sur écoutes des centaines de militants écologistes et de syndicalistes.  En 2022, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement a dû émettre 629 avis défavorables aux demandes d’écoute des services spéciaux, visant en partie la mouvance écologiste. L’autorité indépendante souligne que « les convictions politiques ou syndicales n’ont pas à être contrôlées ».

Dans un rapport daté du 15 juin, l’ONU a enjoint la France à se conformer à ses obligations internationales en matière de protection des libertés fondamentales. Les experts de l’ONU ont eux-mêmes interpellé le gouvernement sur « une tendance à la stigmatisation et à la criminalisation des personnes et organisations de la société civile œuvrant pour la défense des droits humains et de l’environnement qui semble s’accentuer et justifier un usage excessif, répété et amplifié de la force à leur encontre. »

Après les violences policières et les gardes à vue massives lors de manifestations contre le recul de l’âge du départ à la retraite, les menaces contre la LDH venant du sommet de l’Etat, le vote au sénat de la restriction de la liberté syndicale des magistrats, la dissolution d’un mouvement qui regroupe plus d’une centaine d’organisations, des scientifiques, des intellectuels et des milliers d’individus doit plus que jamais nous alerter quant à la volonté politique de s’en prendre à nos libertés d’association, de manifestation et d’expression.

Cette volonté de museler les contre-pouvoirs est inacceptable. Cette politique répressive met en danger ce qui fonde la citoyenneté, nos droits sont en péril.

La criminalisation du mouvement social et pour la justice environnementale est à l’œuvre et la dissolution des soulèvements de la terre s’inscrit dans cette logique. Associations, syndicats, nous sommes tous concernés. Soyons toutes et tous solidaires.