Corse-Matin 31/05 :
Déclaration de la ligue des Droits de l’Homme
Section de Corse
Rassemblements
à l’initiative du collectif
« Pour que vivent nos
langues »
Ajaccio
et Bastia
Samedi 1er juin
Pendant des siècles, la construction des Etats-nations a signifié
l’uniformisation linguistique par la marginalisation des langues portant aujourd’hui
le statut de langues régionales ainsi que par la mise en place de politiques
répressives visant leurs locuteurs.
Aujourd’hui, c’est un monde globalisé qui se déploie et les
environnements multilingues sont la norme plutôt que l’exception.
Des Etats-nations, les plus récents organisent leur pluralité
linguistique. D’autres sont sur la défensive.
Ils ne cessent de vouloir maintenir une politique
d’homogénéisation culturelle et linguistique dans leur territoire, sous couvert
de protectionnisme identitaire et d’affirmation d’une souveraineté illusoirement
exclusive.
La France n’échappe pas à ce repli sur soi et les langues régionales y sont encore perçues comme des risques d’implosion, une boîte de pandore à ne pas ouvrir si on veut éviter la désintégration.
Tolérées, ces langues sont pourtant
considérées comme menacées par des instances internationales tels l’UNESCO ou
le Parlement européen :
Ø D’une
part, parce que leurs
locuteurs sont de moins en moins nombreux à les pratiquer :
Ø D’autre
part, parce que leurs
usages sont confinés dans des domaines de plus en plus restreints :
Ø Enfin, parce que leur transmission de génération en génération est de plus en plus aléatoire.
« Autrement dit, il n’y a plus de nouveaux locuteurs, que ce soit chez les adultes ou les enfants » pour reprendre ici un constat établi par l’UNESCO.
En 2008, une révision constitutionnelle a semblé apporter une protection aux langues régionales en affirmant que celles-ci « appartiennent au patrimoine de la France ».
Force est de constater, et votre collectif le rappelle dans son appel à manifester de ce jour, que des obstacles réglementaires, législatifs et constitutionnels ne cessent de se dresser devant des demandes de déploiement des langues régionales dans leur espace social, culturel et territorial qui leur permettraient de se développer.
Un bilan s’impose : l’habillage constitutionnel de
2008 est bien trop étroit et ne permet pas de garantir l’existence des langues
régionales. Il est temps de définir un nouveau droit linguistique qui réponde à
l’urgence des menaces qui pèsent sur leur devenir.
C’est dans ce sens que dans sa contribution « Une
autonomie pour la Corse : un chantier républicain » de décembre 2023, la ligue
des Droits de l’Homme s’est exprimée en ces
termes :
« Concernant la question de la langue corse, qui semble en jeu dans cette réforme institutionnelle, elle dépasse le cadre de l’autonomie. Elle rejoint la question plus générale des langues régionales. Le droit français reste peu protecteur dans ce domaine. Il ne permet pas de garantir la diversité linguistique sur le territoire de la République. Il y a nécessité à dire un nouveau droit linguistique qui réponde à cette exigence universelle. »
Dans son « Manifeste Pour une Corse de la fraternité » d’avril 2024, contre les agitations xénophobes et les remises en cause de la communauté de destin, la LDH a indiqué :
« Nous sommes riches de la langue corse qui doit s’affirmer comme un bien commun partagé par le peuple corse. A ce jour, elle demeure marginalisée faute d’être reconnue en droit. Nous aspirons à une société bilingue. Notre capacité à accueillir d’autres langues, une autre de nos richesses, sera alors confortée. »
Aujourd’hui, dans le cadre de votre mobilisation, plus que jamais, la LDH
veut renouveler son message de reconnaissance en droit des langues régionales.