dimanche 1 décembre 2013

Prise de parole de la LDH, au nom des signataires de l'appel contre le racisme, lors du rassemblement le samedi 30 novembre à Ajaccio

                                                     Marchons contre le racisme 
                                                    Déclaration de la Ligue des Droits de l’Homme
Nous sommes rassemblés ce matin à Ajaccio et Bastia pour dire non au racisme.
Nous répondons à un appel national,  lancé il y a quelques jours,  « Marchons contre le racisme ».
La première phrase de cet appel s’impose comme une évidence inquiétante : « Un climat nauséabond s’installe dans notre pays ».
Plus de 40 organisations en Corse ont répondu à cet appel.

Les attaques racistes proférées contre la garde des Sceaux, Madame Taubira, par une candidate du Front national, reprises sous forme d’invectives d’enfants téléguidés par leurs parents, puis à la une d’un journal d’extrême droite, sont une souillure pour la République.
Ils agressent des millions d’êtres humains originaires d’Afrique, des Caraïbes, des Amériques, de l’Océan indien, citoyens français  ou non, et dont les aïeux ont été jadis martyrisés du fait de leur couleur de peau.

Notre rassemblement, nos rassemblements sont d’abord une condamnation solennelle de cette dérive raciste.
Ils sont aussi la volonté de dire que, face à la dégradation, au chômage et aux inégalités, ceux qui veulent aviver les souffrances sociales, les peurs et les colères, nous trouveront en travers de leur chemin.

Nous n’acceptons pas la banalisation de la haine raciste.
Nous savons que les faiseurs de haine ont un objectif précis : diviser les pauvres entre eux, inciter les citoyens à s’affronter entre eux.
Pour notre part, nous affirmons l’égalité, la solidarité, la fraternité.
Nous devons mettre nos forces au service de l’unité des citoyens et du combat pour le partage des richesses.

En Corse aussi, nous devons combattre les dérives racistes et la banalisation de la haine.
Il y a des actes, certes sporadiques, mais qui doivent inciter à la plus grande des vigilances :
-          Cet acte odieux d’une peau de sanglier ensanglantée, clouée sur la porte d’un lieu de culte musulman, il y a quelques jours, en Balagne ;
-          L’incendie, il y a quelques mois, d’un autre lieu de culte à Ajaccio ou encore des graffitis racistes sur le local du consulat du Maroc à Bastia

Dans d’autres lieux publics aussi, il y a des graffitis racistes, que les autorités publiques concernées devront s’empresser de faire effacer, qui mélangent des messages anti-arabes et des croix gammées.
Certains y verront de la confusion dans les esprits de ceux qui souillent nos murs.
Pour notre part, nous constatons une continuité, une terrible continuité de l’histoire entre le racisme et l’antisémitisme.

Oui, en Corse aussi, nous devons être vigilants lorsque des blogs développent des messages ethnicistes, au nom d’une Corse chrétienne.
L’engagement autour de notre appel, de personnes au titre de leurs convictions religieuses, est la réponse à ce discours d’exclusion.

La société corse est laïque.
Elle fait le choix de la liberté de conscience.
Chacun est libre de choisir ses convictions religieuses et philosophiques.
Catholiques, musulmans, juifs, protestants, athées veulent vivre dans la fraternité, dans le respect des uns et des autres.

Enfin, en Corse, il y a le Front national.
Nous n’oublions pas les scores de Marine Le Pen au premier tour des présidentielles.
Ici, à Ajaccio, la candidate du FN est arrivée en tête dans 20 bureaux de vote parmi les 40 que compte la ville.
Nous n’oublions pas les dizaines de communes en Corse qui ont placé Marine Le Pen en tête lors de ce scrutin.

Certains pensent « oui, mais le front national n’a pas d’implantation locale réelle en Corse ».
Ne jouons pas avec le feu par manque de vigilance.
Le Fn n’est pas un parti comme les autres :
-          De par son origine, le regroupement dans les années 70, de collaborationnistes, d’enfants perdus de l’OAS, de groupuscules néofascistes…,  une origine  que Marine Le Pen assume sans problème ;
-          De par son objectif politique premier, la préférence nationale, qui vise à institutionnaliser l’inégalité entre les citoyens ;
-          De par ses alliances au niveau européen avec des partis xénophobes.

Ne laissons pas ses idées se diffuser quel que soit le contexte électoral.
Nous le répétons, les souffrances sociales, les peurs et les colères peuvent être exploitées sans limite par l’extrême-droite.
Il faut ici saluer la présence de tous les syndicats qui constituent les outils, les conquêtes démocratiques que les citoyens doivent faire vivre pour défendre la justice sociale, l’égalité sociale et la solidarité.

Mesdames et Messieurs, vous l’aurez compris, notre présence ce matin, est une réponse à une situation inquiétante.
Mais nous ne pouvons en rester là.
Chacun, dans son organisation, doit porter le message de fraternité de ce matin, au-delà de nos rassemblements.

La mobilisation aujourd’hui en Corse, mais aussi dans 90 villes en France, de centaines d’organisations, organisée en quelques jours, démontrent qu’une prise de conscience est au rendez-vous..
L’insuffisance de manifestants  dit également qu’il nous faut ancrer cette prise de conscience dans le mouvement social et civique.
Nous aurons besoin d’autres rendez-vous, ensemble, pour dire non au racisme et à sa banalisation.

Je vous remercie.

 Ajaccio, le 30/11/2013
André PACCOU
Elu national de la LDH