Faire vivre la société politique corse
Les citoyens corses se sont toujours fortement mobilisés pour les
élections municipales. Ils ont raison. Ces élections constituent un moment
essentiel pour faire vivre la société politique. Malgré les difficultés
sociales, les inquiétudes et le découragement, la Ligue des droits de l’Homme
appelle chacune et chacun à entretenir cet engagement démocratique, en
investissant les débats préparatoires à ces élections, en votant les 23 et 30
mars prochains, en revendiquant le droit de continuer à s’occuper des affaires
de leur commune après les élections.
Refuser les
discours de haine
La LDH appelle à la plus grande vigilance face à toutes les formes de propos
qui incitent à la haine. Les menaces contre certains candidats, comme
dernièrement à Ghisonaccia, d’autres propos qui dénigrent, doivent être
condamnées par tous, quelle que soit l’appartenance politique de la personne
menacée ou calomniée. Les paroles stigmatisantes, notamment à l’encontre des
immigrés et des étrangers, doivent être également réprouvées sans ambiguïté.
Lorsqu’il n’y a pas de borne, il n’y a plus de limite. Les propos de haine
dépassent les bornes de la démocratie.
Les enjeux des élections municipales
La LDH rappelle que l’urbanisme et l’accès aux droits relèvent des
compétences des communes. Sont concernés : l’école évidemment, le
logement, - car si l’Etat est garant du droit au logement, ce sont les maires qui
ont le pouvoir de construire des logements sociaux - la culture qui en
promouvant une société bilingue s’ouvrirait sur la Méditerranée, les sports et
les loisirs, les transports et leurs conséquences sur la qualité de l’air et de
notre vie quotidienne, l’aide sociale notamment pour la petite enfance et les
personnes âgées.
Selon les politiques publiques mises en œuvre, ces compétences peuvent
être porteuses d’égalité et de solidarités ou, au contraire, elles peuvent
aggraver les inégalités sociales et territoriales en favorisant une économie fondée
sur la rente touristique, le consumérisme, la loi du plus fort, les
dérégulations et les conflits exacerbés autour d’intérêts privés.
Les nouveaux
enjeux de l’intercommunalité
Les pôles urbains les plus importants sont particulièrement concernés. Au-delà
de leurs limites géographiques et politiques, leur évolution bouleverse
l’ensemble des communes, celles dites périurbaines, et celles plus éloignées
dans le rural, qui essaient de survivre. Dans ce contexte, l’intercommunalité
joue un rôle de plus en plus important.
Cette année, pour la première fois, les citoyens vont élire, dans le
même temps, avec des modalités différentes selon la taille des communes, leurs
conseillers municipaux et leurs conseillers communautaires. Ces derniers
siègeront au sein des organes délibérants des établissements publics de
coopération intercommunale qui ont une fiscalité propre (les communautés de
communes, d’agglomérations, urbaines et les métropoles).
Cette avancée démocratique, certes insuffisante, puisqu’elle favorisera
un cumul des mandats, doit être prise en compte. Les structures intercommunales
ont compétence dans des domaines jusqu’ alors réservées aux communes. Elles
constituent une nouvelle scène politique que les citoyens doivent s’approprier.
La LDH demande aux candidats aux élections municipales et communautaires de
travailler à cette prise de conscience. Leur projet intercommunal doit être
également exposé devant les citoyens.
L’urgence sociale et démocratique
Il faut que soit débattue la société qui se met en place au travers de
ce qui peut apparaître comme inévitable : l’étalement urbain et
l’expansion des infrastructures. Ces évolutions
ont pour conséquences des fractures sociales et territoriales, des
dégâts dans/sur l’environnement, le recul inquiétant des terres agricoles, le
recours intensif aux transports individuels, le réchauffement climatique, le
profit à court terme, la spéculation…. Et des processus de criminalisation. Il
est urgent d’en débattre.
Pour une
citoyenneté de résidence
La LDH milite afin que chaque personne installée durablement dans une
commune puisse participer pleinement à ce débat, en ayant le droit de vote ou d’être
éligible, quelle que soit son origine, y
compris si cette personne est originaire de pays situés hors de l’Union
européenne. Seule une citoyenneté de résidence peut refonder la communauté de
destin. Hélas, ce droit demeure à l’état de promesse. Pourtant, beaucoup de
pays européens l’ont mis en œuvre.
A la veille de ces élections, la LDH ne cache pas son inquiétude devant
le poids électoral grandissant voire décisif dans certaines communes, des
résidents occasionnels. C’est le résultat d’un choix économique présenté comme
la solution au non développement de la Corse. En fait, l’économie résidentielle
génère des déséquilibres démocratiques et sociaux. Cette « citoyenneté de
résidence secondaire » déstructure la communauté de destin.
Pour une
démocratie délibérative
Mais il ne faut pas renoncer. Comités de quartier disposant de
financement, droit de pétition pour mettre une question à l’ordre du jour d’un
conseil municipal ou intercommunal, promotion de la vie associative, participation
des citoyens à la définition et à l’évaluation des politiques publiques tout au
long de la mandature, réunions de travail avec les citoyens et les associations
pour traiter des questions du développement au-delà d’une simple consultation …
toute initiative qui se nourrira de la délibération citoyenne fera reculer le
sentiment de dépossession, dès lors qu’elle s’appuiera sur la mobilisation des
résidents durablement installés, quelle que soit leur origine.
Il reviendra aux futurs élus,
dans nos communes et nos intercommunalités, de répondre à cette urgence sociale
et démocratique.
Ajaccio, le 8 février 2014