Situées à la charnière des dernières élections présidentielles et des
prochaines élections territoriales, les élections municipales ont constitué un
moment politique important. Elles ont
bousculé la donne politique. Nous aborderons essentiellement la situation en Corse, sans ignorer toutefois
le contexte national marqué par une abstention massive ; un désaveu de la
politique gouvernementale ; l’installation du FN dans le paysage
politique, sans toutefois ruiner l’UMP qui gagne de nombreuses villes, mais
aussi des intercommunalités et des métropoles.
En Corse, la LDH se félicite en particulier du taux de participation à
ces élections et de la marginalisation du FN. Mais cette satisfaction
trouve vite ses limites. Plusieurs autres constats indiquent la nécessité de
redonner sens à la démocratie.
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Une
démocratie qui demeure fragile
Dans certaines communes, l’importante augmentation du
corps électoral, en partie liée à l’explosion du nombre de résidences
secondaires, interroge sur la possibilité des résidents permanents de peser sur
le choix de leurs élus, et d’être, par le moyen de la démocratie
représentative, les décideurs des politiques locales. Se pose ici l’urgence de
la définition d’une nouvelle citoyenneté fondée sur la résidence, entendue au
sens d’installation durable en Corse.
A ce sujet, il faut noter encore et toujours le peu de
candidats issus des immigrations qui répondent à ce critère d’installation
durable ; et par conséquent, une représentation tronquée du peuple corse
en tant que communauté de destin au sein des conseils municipaux et
communautaires. La LDH rappelle également que le droit de vote et d’éligibilité
pour tous les étrangers n’a toujours pas droit de cité.
L’inflation des votes par procuration pose un
véritable problème. Elle ouvre la porte à la suspicion sur la sincérité de
certains scrutins. Elle suscite des contestations légitimes. Elle laisse
entrevoir de possibles manipulations. Elle jette le trouble dans une société
qui a besoin de sérénité. Le vote par procuration, réponse inadaptée à
l’abstention sur le reste du territoire national, se substitue aujourd’hui, en
Corse, à une autre dérive clanique, qu’il a fallu combattre, il y a quelques
décennies, le vote par correspondance.
Enfin, à l’occasion de ces municipales, on a vu
resurgir des propos antinationalistes d’un autre temps qui ont choqué bien au-delà
des personnes visées. De même, le préalable à la violence a été réactivé alors
que l’organisation mise à l’écart,
participe par ailleurs à la vie démocratique. Ce n’est pas acceptable. La
LDH en appelle à l’abandon de telles pratiques qui tournent le dos à
l’apaisement et donc au développement démocratique.
La
démocratie a besoin de débats de fond
La LDH se demande si l’excès de jeux
politiciens ne l’a pas emporté sur les débats autour de projets. Fort
légitimement, l’objectif, pour chaque liste en présence était d’accéder au
pouvoir. Mais les élections sont un moment privilégié pour confronter différentes
projets. Cette confrontation et le pluralisme politique sont nécessaires ;
aux citoyens, ils offrent des repères qui donnent sens à la démocratie.
De même, les conditions d’un
renouveau démocratique impliquent de sortir du clanisme. Si il est nécessaire,
le vote contre le clan n’est cependant
pas suffisant, si il ne se nourrit pas d’une alternative démocratique, d’un
projet clairement identifiable.
La
démocratie a besoin de l’Etat de droit
L’assassinat de Jean Leccia, le soir
du premier tour des municipales, trois ans après l’assassinat d’un élu au soir
du premier tour d’une autre élection, et au cœur de la campagne électorale, la
distribution dans le Valinco, d’un tract anonyme, portant de graves accusations
contre des personnes nommément citées, rappellent la fragilité de notre
démocratie face aux processus de criminalisation qui minent notre société.
Il revient à l’Etat d’assurer la
sécurité des citoyens, d’en finir avec l’impunité, sans remettre en cause leur
liberté, sans recours à des méthodes dérogatoires au droit commun.
Il revient aux citoyens de dire leur
refus de cette violence criminelle qui vise particulièrement leurs élus. Les
citoyens ont également la responsabilité d’exiger de leurs élus le respect de
la loi, la transparence, et de nouvelles pratiques démocratiques. Ils
doivent être associés à la définition des moyens qui permettront de mieux
maîtriser notre développement.
La Corse
doit avancer pour ne plus régresser
Au lendemain des élections
municipales, marquées par une victoire de la droite, certains de ses leaders
sont passés à l’offensive. Ils demandent le gel des travaux sur le PADDUC, et l’abandon
des discussions autour d’alternatives à l’économie de résidence, qu’ils continuent
à soutenir. Vu l’état social de la Corse, ce n’est pas raisonnable.
Cette offensive rappelle à chacun
d’entre nous, qu’il existe des projets
différents pour la Corse. La LDH regrette d’autant plus l’absence de
confrontation entre ces différentes visions pendant la campagne des
municipales. Les communes et les intercommunalités, les femmes et les hommes
qui y vivent, sont pourtant directement concernés.
La LDH soutient le dialogue engagé
avec le gouvernement. Toutefois, elle s’interroge sur la méthode retenue :
des modifications réglementaires ; puis un projet de loi ; enfin l’approche
constitutionnelle. Elle rappelle que le processus de Matignon, prévu en deux
temps, en 2000 puis en 2004, n’a pu être mené à son terme, une révision de la
Constitution, à cause de la défaite de la gauche aux élections présidentielles
de 2002 *.
La LDH se félicite de la reprise des
travaux du PADDUC. Elle soutient la majorité de l’Assemblée de Corse qui veut définir
un autre développement pour la Corse, en s’appuyant sur une large délibération,
en insistant sur la question sociale, et qui, sans nier le marché, refuse le
tout marché, la dérégulation et la dé-sanctuarisation de la Corse.
*« Certaines
des mesures prévues dans le document (création d'une collectivité unique,
délégation par le législateur une
deuxième étape à l'expiration du mandat de l'Assemblée de Corse en 2004 et
exigeraient une révision préalable de la Constitution. » ( Assemblée nationale, projet de
loi n° 2931, exposé des motifs)