Lire le texte de la conférence de presse :
"Une crise
profonde
Ces
dernières semaines, la Corse
a vécu des moments de tensions extrêmes. Le risque de voir converger plusieurs
crises, débouchant sur un conflit frontal avec le gouvernement était réel. Parmi
les éléments à l’origine de cette situation explosive, le recadrage politique
autoritaire du ministre de l’intérieur, et par voie de conséquence, son mépris
pour les institutions territoriales. La fin de la grève à la SNCM et la venue en Corse de
Marylise Lebranchu semblent être l’épilogue d’une crise passagère. Mais ici
chacun est conscient que sur le fond, les problèmes demeurent. Nous
n’aborderons pas le dossier des transports maritimes qui outrepasse pour
l’essentiel, le mandat de la
LDH. Notre intervention, ce matin, porte sur la dimension
politique de ces problèmes.
Un
apaisement passager
En
rencontrant quelques personnes de la société civile, dont des responsables de la Ligue des Droits de l’Homme,
en débattant avec les élus de l’Assemblée de Corse, en s’exprimant à plusieurs
reprises dans les médias, en annonçant que l’inscription de la Corse dans la Constitution était
envisageable, en projetant une réunion de travail à Paris avec les élus, madame Lebranchu a su faire preuve
d’ouverture. De ce fait, elle a marqué une pause qu’il nous faut savoir mettre
à profit.
Dans ce
nouveau contexte, la LDH
en appelle aussi au gouvernement. Elle lui demande plus d’ambition, plus de
courage et de volonté politique :
→ En renonçant définitivement
à la stratégie des préalables :
-
Hier, un préalable à la violence, au
détriment du débat démocratique, qui ne peut plus servir de mauvais prétexte après
le dépôt des armes par le FLNC ;
-
Aujourd’hui, un préalable constitutionnel,
certes partiellement levé (avec l’hypothèse de la Corse mentionnée dans la Constitution ) mais
qui demeure un obstacle aux autres débats portés par l’Assemblée de
Corse ;
-
Le risque d’un préalable à l’urgence sociale, une urgence sociale réelle et
combien douloureuse, mais qu’il ne faudra pas dévoyée afin de gagner du temps.
→ En abordant les questions de fond qui sont toujours les
mêmes depuis des décennies :
-
Quelle place pour la Corse
dans la République ?
-
Quelle prise en compte de sa spécificité dans la Constitution ?
-
Quelle reconnaissance en droits de sa singularité ?
Ce
qui est à l’ordre du jour, c’est la définition d’une nouvelle citoyenneté territoriale :
-
fondée sur la résidence, c’est-à-dire
la construction d’une communauté de destin par les personnes qui résident
durablement en Corse, quelque soit leur lieu de naissance ou leur lignage,
-
des citoyens capables de maîtriser le développement social et économique de la Corse à partir de
responsabilités acquises, par exemple le PADDUC, ou nouvelles, par exemple une autonomie
fiscale ;
- située historiquement et culturellement, notamment
avec la définition d’un nouveau droit
linguistique.
-
la ratification de la Charte
européenne des langues régionales et minoritaires est une perspective
intéressante. Mais un nouveau droit linguistique ne doit pas se borner à « reconnaître des
pratiques déjà mises en œuvre par la
France en faveur des langues régionales » comme l’a
décidé le Conseil constitutionnel en 1999. Il doit garantir toutes les pratiques réellement mises en œuvre dans la
société corse, et permettre de construire progressivement, sans discrimination,
une société bilingue.
Pour
sa part, « La Ligue ne se borne pas à prendre en charge la portion de
justice inscrite dans la loi ; elle veut inscrire dans la loi la totalité de la
justice. » (Victor
BASCH au Congrès de 1929. Il a été président de la LDH de 1926 à 1944. Il fut
assassiné avec sa femme Ilona par la milice
française le 10 janvier 1944). Elle considère que la Constitution , la loi
fondamentale, n’échappe pas à cette exigence de justice.
→ En instaurant un véritable processus démocratique, un véritable
dialogue :
- avec les élus qui, ici comme sur tout le
territoire national, sont issus du suffrage universel, et représentent les
citoyens. Avec la dernière déclaration du FLNC, il faut que chacun prenne
conscience d’une nouvelle donne, et l’évidente nécessité de relations apaisées
et constructives entre les institutions nationales de la République , et les
institutions territoriales de Corse de cette même République.
- avec la société civile. Un premier contact
a eu lieu avec la ministre. Il faut aller plus loin. Il ne faut pas que cela
soit compris comme un simple alibi le temps d’une crise. Là aussi, il est
nécessaire d’imaginer une délibération publique qui permette à la société
civile corse de contribuer aux débats, bien au-delà des personnes sollicitées
lors de ce premier échange.
Pour sa part, la LDH continuera à œuvrer dans
le sens du développement démocratique et d’une nouvelle citoyenneté
territoriale."