lundi 11 janvier 2016

A l'occasion de la première session de la nouvelle assemblée, la section adresse une lettre ouverte aux élus territoriaux

                                                                                                      Ajaccio, le 11 janvier 2016
Mesdames, Messieurs les élu-es
de l’Assemblée de Corse et du Conseil Exécutif de Corse

Les derniers jours de l’année 2015 ont été marqués par des incidents graves à Ajaccio qui constituent  de véritables défis pour notre communauté de destin. Une agression de pompiers sous forme de guet-apens, des propos haineux scandés par une foule terrorisant un quartier, le saccage d’un lieu de culte et des livres de prières brûlés, l’attaque contre un commerce. Aucun de ces actes ne peut rester impuni.

L’Etat a failli. N’a-t-on pas assisté à ce spectacle terrible de forces de l’ordre encadrant des manifestations de rue d’où fusaient des slogans racistes et xénophobes. Pourtant, reconnaissons que le préfet de Corse a su éviter l’escalade. C’est la capacité des pouvoirs publics et de la justice à agir en amont qui est mise en cause notamment dans la lutte contre le racisme.

Les événements d’Ajaccio viennent amplifier d’autres agitations xénophobes qui, ces derniers mois, n’ont cessé de provoquer des troubles en empêchant une fête d’école et une fête religieuse, en provoquant des rassemblements publics contre les réfugiés dont l’un au lendemain des attentats parisiens de novembre et de la déclaration de l’état d’urgence, en perturbant une réunion publique, en incitant à la haine sur les réseaux sociaux.... Ces événements sont aussi liés à l’activisme grandissant de groupuscules d’extrême droite.

Certains, toujours les mêmes, veulent y voir l’expression d’une Corse raciste. Ces corsophobes taisent à dessein les réactions de condamnation de nombreux responsables politiques, de l’évêque de Corse, et celles des présidents du conseil exécutif et de l’assemblée de Corse qui ont montré leur solidarité avec toutes les victimes en fustigeant avec la force qu’il se doit le racisme et la xénophobie. Seul le front national soutient et approuve les manifestations racistes d’Ajaccio.

Notre communauté a manqué de vigilance démocratique. Désormais, il nous faut reconstruire la communauté de destin. D’abord, en rappelant que la Corse est une terre laïque où cohabitent de manière pacifique les croyances et les opinions. Il faut déjouer le piège tendu par l’extrême-droite, celui d’une Corse chrétienne combattant l’invasion musulmane. Rappelons que la liberté de conscience, est un fondement de notre régime de libertés et d’une société apaisée.

Le gouvernement est également interpellé. Entretenir les mauvaises polémiques et les malentendus, faire de la Corse un chiffon rouge, c’est d’un côté, inciter au mépris et à la corsophobie, et de l’autre, au repli identitaire. Il faut oser l’avenir et s’engager dans un dialogue sans préalable constitutionnel. En ces temps difficiles, pour ne pas régresser, la République doit tenir sa promesse ; affirmer les droits existants et en inventer de nouveaux. La Corse peut y contribuer.

La question sociale dans toutes ses dimensions, la lutte contre la précarité et la pauvreté, la politique de la ville et celle des autres territoires, le développement économique… est une priorité. L’accès aux droits pour tous conditionne le vivre ensemble. Mesdames et Messieurs les élu-es, n’oubliez pas les évènements d’Ajaccio. Ceux-ci disent l’urgence d’un travail de la société corse sur elle-même qu’il vous revient d’organiser en lien avec la société civile. A la haine et aux humiliations, ils nous disent la nécessité d’opposer le développement démocratique et social. 

                                                                                                        Le bureau de la LDH Corsica
Corse - Matin 12 / 01