D’une humiliation républicaine
La
rencontre n’a pas eu lieu.
La
Corse attendait un Président girondin convaincu de la nécessité d’œuvrer à la
solution politique d’un demi siècle de conflit, désireux, enfin, de prendre
toute sa part à la construction d’une société insulaire apaisée.
Las !
Le Président Macron, autoproclamé du monde « nouveau » fut, pour trop
d’entre nous, l’amère madeleine d’un temps que nous pensions à jamais révolu.
Aucune
des revendications essentielles du peuple Corse, dont il nie l’existence même,
validées par le suffrage universel à quatre reprises depuis décembre 2015, n’emporta
son agrément.
La
concession d’une inscription de la Corse dans le marbre constitutionnel, au
rang du droit commun des régions, n’étant que l’obole consentie à la permanente
solitude d’une main tendue.
Si
le chef de l’Etat français s’est rendu en Corse les 6 et 7 février dernier,
c’est uniquement pour rassurer les siens parmi lesquels on compte, pêle-mêle,
la famille du préfet Erignac, Jean Pierre Chevènement, la famille Zuccarelli,
Madame Castellani, Monsieur Mondoloni, Monsieur Marcangeli ainsi que tous ceux
qui peuvent constituer une opposition à la majorité territoriale et un frein à
la propagation, perçue comme virale, des idées nationalistes.
Il
devait convaincre qu’« ici on est en France » ! Pour preuve le nombre impressionnant de drapeaux français
et européens dans la salle du centre culturel, et qu’il n’allait pas s’en
laisser conter par des séparatistes déclarés ou insincères.
Mais
de tout cela, il faut s’accommoder, en étant
persuadé que le travail entamé et à fournir ainsi que les combats à
mener sauront venir à bout des résistances les plus farouches.
L’absence
de considération, le mépris, sont des flétrissures autrement plus douloureuses
surtout quand elles ne sont pas ressenties personnellement mais par tout un
peuple au travers de ses représentants démocratiquement élus.
Monsieur
Macron avait peut-être le droit de tout refuser, le droit de passer sous
silence le rapprochement des prisonniers politiques malgré la promesse faite la
veille à l’épouse de M.Colonna, celui
d’exclure la co-officialité de notre
langue et d’écarter le statut de résident, celui de nous dire que nous
étions comptables de nos mauvais résultats et responsables de la spéculation,
celui de nous expliquer que le bilinguisme est une vertu, celui de nous
annoncer la possibilité prochaine de téléphoner comme ailleurs et de nous
offrir le bienfait de la « couverture réseau » comme jadis l’homme
blanc jetait de la verroterie aux peuples indigènes, celui de vouloir jouer les
apprentis-sorciers en souhaitant adapter les lois « Littoral et Montagne » ;
M.Macron avait même le droit de nous expliquer, avec force détails, que la
Corse est une île de Méditerranée.
Il
avait encore le droit de venir flanqué
d’un ennemi déclaré de la Corse, génial décideur de la mise en place d’un
préfet criminel qui commandita l’incendie de plusieurs établissement au prétexte
du respect de l’état de droit.
Il
avait enfin le droit d’exiger que le drapeau tricolore fut mis au fronton du
grand hôtel.
Mais
pesaient également sur lui des obligations ;
le respect d’autrui est pour chacun un devoir, fut il chef d’Etat.
De
dire qu’il y a des choses qui « ne se plaident pas » pendant une
commémoration aux côtés de la famille du défunt et devant l’ancien conseil d’Yvan
Colonna, présent en sa qualité de Président
du Conseil Exécutif ; cela, il n’en avait pas le droit.
Refuser
de se voir accueilli, à l’assemblée de Corse, par les conseillers territoriaux
élus à une majorité absolue par le Peuple Corse, il n’en avait pas le droit.
Faire
fouiller de manière humiliante des élus, y compris les présidents du Conseil Exécutif et de l’Assemblée,
qui se rendaient à son allocution, il n’en avait pas le droit.
Interdire
que fut placée une seule Bandera dans la
salle de l’Alb’Oru où il prononça son discours, malgré sa demande d’un drapeau tricolore à l’assemblée de Corse
et oubliant à dessein la Bandera qu’il plaça en arrière-plan à Furiani pour les
besoins de sa campagne, il n’en avait pas le droit.
Ne
pas réserver de places dans ladite salle pour les conseillers territoriaux,
placer les Présidents et le Conseil Exécutif au 5ème rang après les
avoir fait patienter debout, une quinzaine de minutes, sous les regards curieux du public
confortablement assis, il n’en avait pas le droit.
D’humilier
la Corse en méprisant ses représentants, il n’en avait pas le droit au regard
du principe sacré d’un respect dû à tous, sans distinction aucune, fondée
notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les
opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale,
l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute
autre situation.
Mais
loin de nous affaiblir, ce genre de blessure, qu’il faut évidemment relativiser
au regard de tous les sacrifices consentis par les militants pendant ces années
de conflit et aujourd’hui encore, nous renforce dans nos convictions et dans la
pertinence des luttes démocratiques qui restent à mener dans l’intérêt
supérieur du Peuple Corse, dont l’immanence réside dans le cœur et l’esprit de
tous les habitants de ce pays, qui peut sereinement souffrir, pendant longtemps
encore, le dédain de tous les Macron du monde.
JF
Casalta
7
février 2018