Dans l’immédiat, la revendication du rapprochement des prisonniers
politiques y compris les détenus particulièrement signalés, demeure une
condition nécessaire à l’apaisement. De même que l’inscription de la Corse dans
la Constitution. Un échéancier a enfin été précisé par le Président de la
République. Il revient au gouvernement et aux élus de trouver les termes qui
permettront non pas de banaliser la Corse parmi les régions françaises, mais de
garantir sa singularité. En ce sens, un pouvoir législatif peut être attribué à
la collectivité de Corse.
Le respect de la
singularité corse passe nécessairement par la prise en compte de la question
linguistique. Affirmer qu’on parle français en Corse comme partout ailleurs sur
le territoire national peut paraître du bon sens. C’est en fait relativiser
l’existence d’un bilinguisme historique au détriment de la langue corse
aujourd’hui en danger. En s’exprimant de la sorte, a contrario du bilinguisme
qu’il entend promouvoir, l’Etat semble méprisant. Il est temps d’ouvrir un
véritable dialogue sur la place de la langue corse en Corse et sur la
reconstruction d’une société bilingue associant corsophones et non
corsophones.
La mise en œuvre
de la collectivité de Corse constitue un enjeu de première importance. La majorité territoriale a la responsabilité
première de cette installation. Mais l’Etat ne peut se défausser. Le bon
fonctionnement de l’Etat en Corse est tributaire du bon fonctionnement de la
collectivité de Corse, et inversement.
La nouvelle
organisation territoriale de la Corse interroge sur le risque d’une
centralisation du pouvoir politique. Devant cette possible dérive, le conseil
économique, social, environnemental, le CESE, et la chambre des territoires
doivent jouer leur rôle de contre-pouvoirs. A l’instar du CESE, la chambre des
territoires pourrait s’autosaisir de dossiers relevant de son champ
d’intervention et contribuer ainsi à la délibération au-delà d’un simple avis.
Mais surtout, la
mise en œuvre de la collectivité de Corse, au travers de la définition de ses
politiques publiques, est l’affaire de tous les citoyens. Une démocratie
délibérative reste à inventer. Avec la perspective d’un transfert d’une
compétence législative à la collectivité de Corse, l’association des citoyens à
la délibération sonne comme une évidence démocratique.
Face aux attaques
qui se multiplient contre le PADDUC, il y aussi urgence à mettre en œuvre cette
nouvelle démocratie. Le PADDUC n’est pas un « super PLU ». Il est un
projet de société qui s’est construit à l’origine sur une forte mobilisation de
la société civile contre la désanctuarisation de la Corse. Alors que se
développent les inégalités sociales et territoriales, certains rêvent de
davantage d’enrichissement personnel et d’un modèle entrepreneurial
hégémonique, celui de la compétition et de l’efficacité dans la conquête des
marchés, au détriment des solidarités et des protections pour tous.
Par leur vote,
les citoyen-ne-s ont fait le choix de plus de droits et de libertés pour davantage
de responsabilité. Mais il faut s’entendre sur le sens des mots. Plus de droits
et de libertés ne signifient pas plus de pouvoir donné aux plus forts mais
davantage de responsabilité collective.
Le droit au
logement qui n’est pas le droit de propriété constitue de toute évidence une
priorité. Il pourrait être une compétence de la collectivité de Corse, en
cohérence avec ses compétences en matière d’aménagement et de développement
économique. Le droit à la santé, l’accès aux soins pour tous, à juste titre
régulièrement revendiqués par les syndicats et des collectifs de citoyens et
d’élus sont une autre priorité.
L’artificialisation
accélérée des sols constitue un défi majeur pour l’environnement, pour la
préservation des terres agricoles et pour un équilibre entre les territoires.
Il faut ici agir au plus vite. Plus généralement, il nous faut nous mobiliser
contre les inégalités et pour un développement durable. Le principe d’une
responsabilité sociale et environnementale doit être au fondement de l’action
publique en tous domaines.
Nous vivons dans
un monde mondialisé et interdépendant. Et dans ce monde-là, l’émergence de
nouveaux espaces politiques infra et supra-étatiques ainsi que la constitution
de firmes transnationales réduisent la vision d’un Etat seul souverain dans son
palais à un mirage. Doit-on pour autant constater les migrations dangereuses
pour les victimes de la guerre et de la misère, le saccage de notre
environnement, le recul de la diversité culturelle et linguistique comme autant
de fatalités ? Ce serait ignorer les résistances et les transformations à
l’œuvre. Ce serait abdiquer toute citoyenneté et démissionner de nos
responsabilités envers les générations futures. Le débat sur la Corse relève de
cette dimension.
Le bureau de la
LDH Corsica : Jean-Claude ACQUAVIVA, Marie-Anne ACQUAVIVA, Antonin BRETEL,
Frédérique CAMPANA, Jean-François CASALTA, Jean-Sébastien de CASALTA, Francine
DEMICHEL, Christine MATTEI-PACCOU, Ibtissam MAYSSOUR-STALLA, Gérard MORTREUIL,
André PACCOU, Elsa RENAUT, Dumé RENUCCI, Sampiero SANGUINETTI