vendredi 2 mars 2018

POUR UNE RESPONSABILITE PARTAGEE : tribune signée par les membres du bureau de la section, publiée dans le Settimana de ce vendredi

Ces dernières semaines, ce qui devait être les prémices d’un dialogue s’est transformé en tensions. D’autres conflits pourraient survenir. Devant ces incertitudes, rappelons avec force qu’une majorité de Corses, au travers de plusieurs élections, ont fait le choix d’une autre relation entre la Corse et l’Etat, celle d’une responsabilité partagée. Nous pouvons mettre fin à une tutelle synonyme d’humiliation autrement que dans un face-à-face, en déployant un art nécessairement politique par lequel le peuple corse continue à s’inventer.

Dans l’immédiat, la revendication du rapprochement des prisonniers politiques y compris les détenus particulièrement signalés, demeure une condition nécessaire à l’apaisement. De même que l’inscription de la Corse dans la Constitution. Un échéancier a enfin été précisé par le Président de la République. Il revient au gouvernement et aux élus de trouver les termes qui permettront non pas de banaliser la Corse parmi les régions françaises, mais de garantir sa singularité. En ce sens, un pouvoir législatif peut être attribué à la collectivité de Corse.

Le respect de la singularité corse passe nécessairement par la prise en compte de la question linguistique. Affirmer qu’on parle français en Corse comme partout ailleurs sur le territoire national peut paraître du bon sens. C’est en fait relativiser l’existence d’un bilinguisme historique au détriment de la langue corse aujourd’hui en danger. En s’exprimant de la sorte, a contrario du bilinguisme qu’il entend promouvoir, l’Etat semble méprisant. Il est temps d’ouvrir un véritable dialogue sur la place de la langue corse en Corse et sur la reconstruction d’une société bilingue associant corsophones et non corsophones. 

La mise en œuvre de la collectivité de Corse constitue un enjeu de première importance.  La majorité territoriale a la responsabilité première de cette installation. Mais l’Etat ne peut se défausser. Le bon fonctionnement de l’Etat en Corse est tributaire du bon fonctionnement de la collectivité de Corse, et inversement.

La nouvelle organisation territoriale de la Corse interroge sur le risque d’une centralisation du pouvoir politique. Devant cette possible dérive, le conseil économique, social, environnemental, le CESE, et la chambre des territoires doivent jouer leur rôle de contre-pouvoirs. A l’instar du CESE, la chambre des territoires pourrait s’autosaisir de dossiers relevant de son champ d’intervention et contribuer ainsi à la délibération au-delà d’un simple avis.
Mais surtout, la mise en œuvre de la collectivité de Corse, au travers de la définition de ses politiques publiques, est l’affaire de tous les citoyens. Une démocratie délibérative reste à inventer. Avec la perspective d’un transfert d’une compétence législative à la collectivité de Corse, l’association des citoyens à la délibération sonne comme une évidence démocratique.

Face aux attaques qui se multiplient contre le PADDUC, il y aussi urgence à mettre en œuvre cette nouvelle démocratie. Le PADDUC n’est pas un « super PLU ». Il est un projet de société qui s’est construit à l’origine sur une forte mobilisation de la société civile contre la désanctuarisation de la Corse. Alors que se développent les inégalités sociales et territoriales, certains rêvent de davantage d’enrichissement personnel et d’un modèle entrepreneurial hégémonique, celui de la compétition et de l’efficacité dans la conquête des marchés, au détriment des solidarités et des protections pour tous.

Par leur vote, les citoyen-ne-s ont fait le choix de plus de droits et de libertés pour davantage de responsabilité. Mais il faut s’entendre sur le sens des mots. Plus de droits et de libertés ne signifient pas plus de pouvoir donné aux plus forts mais davantage de responsabilité collective.

Le droit au logement qui n’est pas le droit de propriété constitue de toute évidence une priorité. Il pourrait être une compétence de la collectivité de Corse, en cohérence avec ses compétences en matière d’aménagement et de développement économique. Le droit à la santé, l’accès aux soins pour tous, à juste titre régulièrement revendiqués par les syndicats et des collectifs de citoyens et d’élus sont une autre priorité.

L’artificialisation accélérée des sols constitue un défi majeur pour l’environnement, pour la préservation des terres agricoles et pour un équilibre entre les territoires. Il faut ici agir au plus vite. Plus généralement, il nous faut nous mobiliser contre les inégalités et pour un développement durable. Le principe d’une responsabilité sociale et environnementale doit être au fondement de l’action publique en tous domaines.

Nous vivons dans un monde mondialisé et interdépendant. Et dans ce monde-là, l’émergence de nouveaux espaces politiques infra et supra-étatiques ainsi que la constitution de firmes transnationales réduisent la vision d’un Etat seul souverain dans son palais à un mirage. Doit-on pour autant constater les migrations dangereuses pour les victimes de la guerre et de la misère, le saccage de notre environnement, le recul de la diversité culturelle et linguistique comme autant de fatalités ? Ce serait ignorer les résistances et les transformations à l’œuvre. Ce serait abdiquer toute citoyenneté et démissionner de nos responsabilités envers les générations futures. Le débat sur la Corse relève de cette dimension.

Le bureau de la LDH Corsica : Jean-Claude ACQUAVIVA, Marie-Anne ACQUAVIVA, Antonin BRETEL, Frédérique CAMPANA, Jean-François CASALTA, Jean-Sébastien de CASALTA, Francine DEMICHEL, Christine MATTEI-PACCOU, Ibtissam MAYSSOUR-STALLA, Gérard MORTREUIL, André PACCOU, Elsa RENAUT, Dumé RENUCCI, Sampiero SANGUINETTI