A l’occasion de votre venue en
Corse dans le cadre du grand débat national, la ligue des droits de l’homme de
Corse vous fait part de sa contribution.
La situation sociale insulaire
est particulièrement dégradée. L’augmentation du PIB local, l’urbanisation
frénétique, la hausse exponentielle du tourisme peuvent donner l’illusion d’un
essor économique. Pourtant, ce développement se traduit avant tout par plus d’inégalités
et par l’installation d’une société du précariat. L’insécurité sociale touche
de plus en plus de corses. Nombreux sont victimes de pauvreté. Beaucoup font
face aux difficultés qui s’accumulent.
Il est urgent d’inverser le cours des choses en mettant en œuvre un
plan exceptionnel de développement du logement social, un moratoire sur la
fermeture des services publics, un contrôle des prix des carburants.
L’action de la Cour régionale des comptes et du Parquet financier de
Bastia dans la lutte contre la délinquance financière doit être poursuivie. Une
plus grande maîtrise du foncier est possible en suivant les recommandations de
la Cour des comptes dans son rapport sur les dépenses fiscales supportés par
l’Etat en matière de logement.
La Corse n’est pas un « grenier » touristique, une terre
sauvage inépuisable. Erosion du littoral, sécheresse, tempêtes dévastatrices,
pollution de l’air, déchets ingérables, biodiversité menacée, les équilibres
écologiques sont bouleversés ici comme ailleurs.
Chacune de ces menaces rappelle aussi l’urgence d’une action publique. L’Etat doit promouvoir des alternatives au
développement actuel en renforçant le droit à l’environnement, en réformant la
fiscalité dans le sens de la justice sociale. La transition énergétique et des
politiques visant à l’autosuffisance permettront un autre développement. L’Etat
doit être au côté de celles et ceux qui s’engagent dans cette voie.
Comme toutes les sociétés humaines, la Corse vit dans un monde
interdépendant. Dans le monde auquel nous aspirons, la fraternité est notre
première interdépendance. La Corse est une terre de la Méditerranée. Elle ne
peut rester à l’écart de la situation des réfugiés qui fuient la terreur et la
misère. Il est temps qu’elle puisse s’organiser pour accueillir ces exilés.
Elle y est prête. Il revient à l’Etat d’aller à la rencontre des citoyens et
des élus corses afin de définir ce qu’il est possible d’entreprendre par
fraternité.
Aller à la rencontre des Corses, telle est votre volonté. Pourquoi ne
pas poursuivre cette volonté au-delà du grand débat national. Il faut en finir
avec les malentendus qui ont fait tant de mal de part et d’autre. A Bastia, le
7 février 2018, vous avez donné le sentiment d’une « reprise en main »
de la Corse a contrario des aspirations des Corses à plus de responsabilités,
de reconnaissance, autour de différentes propositions : une
décentralisation renforcée, une autonomie, l’indépendance. Ce débat avance hors
de toute violence politique depuis cinq ans.
Des attentes restent partagées. Le traitement de dossiers de militants
nationalistes condamnés dans le cadre de l’antiterrorisme en est une.
Inscriptions au FIJAIT, amendes exorbitantes au titre des dommages causés par
des attentats, refus de rapprochement et de libération conditionnelle pour des
personnes détenues depuis quinze ans et plus : l’entêtement de l’Etat à ne
pas vouloir tourner la page devrait cesser.
L’inscription de la Corse dans la Constitution est une autre attente
partagée. Vous n’y êtes pas opposé. Il ne s’agit pas d’une simple formalité
mais d’un débat qui doit être à la hauteur de notre texte fondamental. Il faut
pouvoir mobiliser les intelligences et les bonnes volontés. Ce qui est déjà
inscrit dans le statut de la Corse sera validé. Nous pourrons aller au-delà dès
lors que les nouvelles propositions s’appuieront sur une consultation des
citoyen-ne-s résidant en Corse.
Oser l’avenir, dire la singularité corse sans rien perdre de sa
relation à l’universel, affirmer l’égalité et l’indivisibilité des droits de
l’homme, redonner sens à la démocratie, la développer, telles sont nos
ambitions pour la Corse. Espérant, Monsieur le Président qu’elles seront
entendues.
Jean-Claude
ACQUAVIVA, Marie-Anne ACQUAVIVA, Pascal ARROYO, Antonin BRETEL, Frédérique
CAMPANA, Jean-François CASALTA, Jean-Sébastien de CASALTA, Francine DEMICHEL,
Christine MATTEI-PACCOU, Ibtissam MAYSSOUR-STALLA, Gérard MORTREUIL, André
PACCOU, Patrizia POLI, Elsa RENAUT, Dumé RENUCCI, Sampiero SANGUINETTI