dimanche 31 mars 2019

Lettre ouverte au Président de la République signée par les membres du bureau de la section

Monsieur le Président de la République,
A l’occasion de votre venue en Corse dans le cadre du grand débat national, la ligue des droits de l’homme de Corse vous fait part de sa contribution.
La situation sociale insulaire est particulièrement dégradée. L’augmentation du PIB local, l’urbanisation frénétique, la hausse exponentielle du tourisme peuvent donner l’illusion d’un essor économique. Pourtant, ce développement se traduit avant tout par plus d’inégalités et par l’installation d’une société du précariat. L’insécurité sociale touche de plus en plus de corses. Nombreux sont victimes de pauvreté. Beaucoup font face aux difficultés qui s’accumulent. 
Il est urgent d’inverser le cours des choses en mettant en œuvre un plan exceptionnel de développement du logement social, un moratoire sur la fermeture des services publics, un contrôle des prix des carburants.
L’action de la Cour régionale des comptes et du Parquet financier de Bastia dans la lutte contre la délinquance financière doit être poursuivie. Une plus grande maîtrise du foncier est possible en suivant les recommandations de la Cour des comptes dans son rapport sur les dépenses fiscales supportés par l’Etat en matière de logement.

La Corse n’est pas un « grenier » touristique, une terre sauvage inépuisable. Erosion du littoral, sécheresse, tempêtes dévastatrices, pollution de l’air, déchets ingérables, biodiversité menacée, les équilibres écologiques sont bouleversés ici comme ailleurs.

Chacune de ces menaces rappelle aussi l’urgence d’une action publique.  L’Etat doit promouvoir des alternatives au développement actuel en renforçant le droit à l’environnement, en réformant la fiscalité dans le sens de la justice sociale. La transition énergétique et des politiques visant à l’autosuffisance permettront un autre développement. L’Etat doit être au côté de celles et ceux qui s’engagent dans cette voie.

Comme toutes les sociétés humaines, la Corse vit dans un monde interdépendant. Dans le monde auquel nous aspirons, la fraternité est notre première interdépendance. La Corse est une terre de la Méditerranée. Elle ne peut rester à l’écart de la situation des réfugiés qui fuient la terreur et la misère. Il est temps qu’elle puisse s’organiser pour accueillir ces exilés. Elle y est prête. Il revient à l’Etat d’aller à la rencontre des citoyens et des élus corses afin de définir ce qu’il est possible d’entreprendre par fraternité.

Aller à la rencontre des Corses, telle est votre volonté. Pourquoi ne pas poursuivre cette volonté au-delà du grand débat national. Il faut en finir avec les malentendus qui ont fait tant de mal de part et d’autre. A Bastia, le 7 février 2018, vous avez donné le sentiment d’une « reprise en main » de la Corse a contrario des aspirations des Corses à plus de responsabilités, de reconnaissance, autour de différentes propositions : une décentralisation renforcée, une autonomie, l’indépendance. Ce débat avance hors de toute violence politique depuis cinq ans.

Des attentes restent partagées. Le traitement de dossiers de militants nationalistes condamnés dans le cadre de l’antiterrorisme en est une. Inscriptions au FIJAIT, amendes exorbitantes au titre des dommages causés par des attentats, refus de rapprochement et de libération conditionnelle pour des personnes détenues depuis quinze ans et plus : l’entêtement de l’Etat à ne pas vouloir tourner la page devrait cesser.

L’inscription de la Corse dans la Constitution est une autre attente partagée. Vous n’y êtes pas opposé. Il ne s’agit pas d’une simple formalité mais d’un débat qui doit être à la hauteur de notre texte fondamental. Il faut pouvoir mobiliser les intelligences et les bonnes volontés. Ce qui est déjà inscrit dans le statut de la Corse sera validé. Nous pourrons aller au-delà dès lors que les nouvelles propositions s’appuieront sur une consultation des citoyen-ne-s résidant en Corse.

Oser l’avenir, dire la singularité corse sans rien perdre de sa relation à l’universel, affirmer l’égalité et l’indivisibilité des droits de l’homme, redonner sens à la démocratie, la développer, telles sont nos ambitions pour la Corse. Espérant, Monsieur le Président qu’elles seront entendues.

Jean-Claude ACQUAVIVA, Marie-Anne ACQUAVIVA, Pascal ARROYO, Antonin BRETEL, Frédérique CAMPANA, Jean-François CASALTA, Jean-Sébastien de CASALTA, Francine DEMICHEL, Christine MATTEI-PACCOU, Ibtissam MAYSSOUR-STALLA, Gérard MORTREUIL, André PACCOU, Patrizia POLI, Elsa RENAUT, Dumé RENUCCI, Sampiero SANGUINETTI

Publication de la lettre ouverte dans Corse-Matin du 31 mars :