"Commémorer ne veut pas dire nécessairement honorer inconditionnellement, mais renvoyer aux débats d’historiens.
La France que j’aime,
c’est plus celle de la Commune que celle de Napoléon, plus celle de Louise
Michel que celle d’un régime esclavagiste, misogyne, détestant les
écrivains - hommes comme femmes- ,
pillant les richesses des autres peuples.
Bien sûr, il y a
l’hommage incontournable de Victor Hugo. Bien sûr, il y a le Mémorial de Sainte-Hélène.
Bien sûr, il y a le mythe qui a fait que le mot « corse » a traversé
le monde entier.
Mais je préfère honorer
l’anonymat du peuple de La Commune, de ces hommes et de ces femmes « sans
place », « sans voix », invisibles, qui s’insurgent et revendiquent
le droit d’exister politiquement au prix de leur vie, ces anonymes qui brûlent en effigie la guillotine, qui
réquisitionnent des logements pour les pauvres..
Bien sûr, avec Napoléon,
il y a la Comédie Française, l’Université, le Code Civil (encore que celui-ci
soit avant tout un culte à la propriété privée et au système patriarcal).
Célébrer Napoléon, c’est
célébrer l’Etat, un Etat centralisateur, puissant, unifiant la langue, la
culture, les frontières, la citoyenneté.
Napoléon, c’est le
triomphe du pouvoir, de l’ordre économique, politique et moral. C’est le ton
épique et conquérant. Napoléon fait partie de l’histoire des Césars, des grands
hommes, des héros mythiques, des hommes providentiels.
La Commune fut une
immense improvisation, tenue de se défendre contre Thiers. Les communards ont
rêvé d’une France qui n’existait pas, d’un mythe révolutionnaire irréalisable,
d’une justice généreuse.
Célébrer La Commune,
c’est célébrer un peuple courageux, inexpérimenté, rêveur. C’est célébrer un moment
de révolte neuf, un trou dans l’histoire de la domination.
Célébrer Napoléon, c’est
célébrer un homme de pouvoir, au pouvoir, un homme solitaire, qui se voulait en
tête du monde. Célébrer La Commune, c’est célébrer un peuple anonyme. C’est
dire au monde que l’incertitude d’avenir
n’empêche pas l’engagement. Les hommes et les femmes de La Commune
n’étaient pas des gens en place, ils étaient des victimes de l’ordre quotidien,
à la violence invisible. Ils ont cherché, avec courage, à construire une altérité
avec générosité. Ils ont cherché à réaliser leur liberté, et même si ce sursaut
fut précaire, il laisse pourtant une trace indélébile dans la mémoire de gauche
des peuples du monde entier."
Francine Demichel,
membre du bureau de la Ldh de Corse