dimanche 21 mars 2021

"Les deux sens de l’histoire : Napoléon et La Commune"- Texte de Francine DEMICHEL

"Commémorer ne veut pas dire nécessairement honorer inconditionnellement, mais renvoyer aux débats d’historiens.

La France que j’aime, c’est plus celle de la Commune que celle de Napoléon, plus celle de Louise Michel que celle d’un régime esclavagiste, misogyne, détestant les écrivains  - hommes comme femmes- , pillant les richesses des autres peuples.

Bien sûr, il y a l’hommage incontournable de Victor Hugo. Bien sûr, il y a le Mémorial de Sainte-Hélène. Bien sûr, il y a le mythe qui a fait que le mot « corse » a traversé le monde entier.

Mais je préfère honorer l’anonymat du peuple de La Commune, de ces hommes et de ces femmes « sans place », « sans voix », invisibles, qui s’insurgent et revendiquent le droit d’exister politiquement au prix de leur vie, ces anonymes  qui brûlent en effigie la guillotine, qui réquisitionnent des logements pour les pauvres..

Bien sûr, avec Napoléon, il y a la Comédie Française, l’Université, le Code Civil (encore que celui-ci soit avant tout un culte à la propriété privée et au système patriarcal).

Célébrer Napoléon, c’est célébrer l’Etat, un Etat centralisateur, puissant, unifiant la langue, la culture, les frontières, la citoyenneté.

Napoléon, c’est le triomphe du pouvoir, de l’ordre économique, politique et moral. C’est le ton épique et conquérant. Napoléon fait partie de l’histoire des Césars, des grands hommes, des héros mythiques, des hommes providentiels.

La Commune fut une immense improvisation, tenue de se défendre contre Thiers. Les communards ont rêvé d’une France qui n’existait pas, d’un mythe révolutionnaire irréalisable, d’une justice généreuse.

Célébrer La Commune, c’est célébrer un peuple courageux, inexpérimenté, rêveur. C’est célébrer un moment de révolte neuf, un trou dans l’histoire de la domination.

Célébrer Napoléon, c’est célébrer un homme de pouvoir, au pouvoir, un homme solitaire, qui se voulait en tête du monde. Célébrer La Commune, c’est célébrer un peuple anonyme. C’est dire au monde que l’incertitude d’avenir  n’empêche pas l’engagement. Les hommes et les femmes de La Commune n’étaient pas des gens en place, ils étaient des victimes de l’ordre quotidien, à la violence invisible. Ils ont cherché, avec courage, à construire une altérité avec générosité. Ils ont cherché à réaliser leur liberté, et même si ce sursaut fut précaire, il laisse pourtant une trace indélébile dans la mémoire de gauche des peuples du monde entier."

Francine Demichel,

membre du bureau de la Ldh de Corse