En ces temps d’inquiétude face aux dérives mafieuses, la nécessité d’une réponse judiciaire est évidente. Cette réponse n’est pas suffisante. Il nous faut aussi nous interroger sur nos responsabilités et l’état de notre société. Nous constatons que ce qui relève de la justice suscite des divergences voire des polémiques et risque de minorer le débat sur notre choix de société, son développement démocratique, économique, social et culturel.
Dans ce contexte, la position de
la ligue des droits de l’Homme est déformée et considérée comme « immuable ».
La LDH est pourtant partie prenante active dans la recherche de réponses contre
« les dérives mafieuses »
qui mettent en danger notre société. Comme elle s’y était engagée devant la
commission permanente réunie le 18 novembre dernier, elle adopte désormais cette
terminologie (voir Corse Net Infos du 18/11/2022).
D’une part, ces mots correspondent
à ce que la LDH avait exprimé dans son manifeste « Contre les assassinats et la loi de la jungle » (voir Corse
Net Infos du 31/08/2013). D’autre part, la LDH n’est pas seule à observer que
nous n’en sommes pas au stade de la constitution de mafias en Corse. Précisons
qu’il ne s’agit pas d’une « position frileuse ». Nous affirmons
que si la société corse ne se mobilise pas, les dérives criminelles constatées
depuis plusieurs décennies pourraient nous projeter vers un système mafieux à
terme omnipotent.
Lors de la réunion d’installation
des ateliers thématiques du 17 février à l’Assemblée de Corse, nous avons
également réaffirmé notre volonté de travailler et d’avancer ensemble. Dans le
cadre de l’atelier « dérives mafieuses », afin de débattre de manière
éclairée et raisonnée, la LDH a proposé une lecture comparée des législations
italienne et française. Elle s’est engagée à mobiliser un expert en droit qui
pourra dialoguer avec un autre expert choisi par les collectifs anti-mafia devant
les membres de cet atelier.
Sur le fond, la LDH veut redire
avec force comme elle le fait depuis le début des années 2000 au travers
notamment de sa présence à de nombreuses manifestations publiques à la suite d’assassinats
et d’attentats, que les actes criminels ne sont pas une fatalité. Elle n’est
pas hostile à une évolution des lois comme le montrent ses combats contre les
violences faites aux femmes ou pour un droit pénal de l’environnement. Elle
rappelle que ces évolutions ne peuvent s’accompagner d’une régression des
droits qui sont le socle de la démocratie, notamment la présomption d’innocence,
les droits de la défense, le respect de la vie privée, d’ores et déjà mis à mal
par la multiplication des moyens de fichage et de surveillance des citoyens.
Pour reprendre la conclusion de
Francine DEMICHEL, professeur de droit à la retraite et membre du bureau de la
LDH Corsica, dans son texte « Quel
droit contre les dérives mafieuses ? »* : « Ce n’est donc pas une règle de plus qu’il
faut, mais l’application juste de règles justes ». Voilà qui n’a rien « d’immuable »
et qui rappelle que pour consolider l’Etat de droit, les moyens répressifs mis
en place contre les dérives mafieuses doivent d’abord se fonder sur l’exigence
démocratique de garanties des droits de l’Homme.
*https://ldhcorsica.blogspot.com/p/publications-de-francine-demichel.html dans la rubrique de Francine DEMICHEL