A l’échelle nationale comme en Corse, les électeurs et les électrices ont tranché par leur vote massif : le Rassemblement national (RN) est battu. Ce résultat s’explique par un front républicain qui en Corse a associé la gauche, une partie de la droite, des nationalistes et mobilisé des acteurs syndicaux et associatifs. Seule la 2ème circonscription de Haute-Corse échappe à cette mobilisation contre l’extrême-droite et son projet d’exclusion. Le RN a su jouer de son influence pour faire gagner un candidat de droite qui est demeuré ambigu sur ce soutien.
Le Nouveau Front Populaire (NFP) en tête au niveau national suscite un immense espoir pour les forces progressistes. La séquence ouverte par la dissolution n’est cependant pas close. La réponse électorale écarte le péril imminent mais elle ne résout les défis économique, écologique, social et démocratique.
La fraternité ne se réduit pas à une déclaration de principe. Elle s’ancre dans des politiques nouvelles qui garantissent pour toutes et pour tous l’accès aux droits. Elle se fonde sur une société qui mette une juste part de la richesse créée au service de cette ambition, une société où les politiques publiques assurent davantage d’égalité, de justice et de solidarités, sans détruire les écosystèmes, une société qui tourne le dos radicalement au racisme, à l’antisémitisme, au sexisme, aux LGBTphobies et à toutes les discriminations.
Dans ce nouveau contexte, il nous faut faire entendre la situation particulière de la Corse.
La spéculation s’y ajoute à l’inflation et de plus en plus de Corses sont précipités dans la précarité voire la grande pauvreté. Plus de 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté, le taux régional le plus élevé de France métropolitaine. Le développement exponentiel de résidences secondaires, la Corse ayant en ce domaine aussi le taux régional le plus élevé, et celui des meublés touristiques au détriment du logement social font obstacle au droit au logement. Concernant notre droit à la santé, la création d’un CHU qui permettrait la formation de médecins en Corse se fait encore attendre alors que nous sommes la seule région à ne pas en disposer. La dégradation de notre environnement se traduit par un air constamment pollué et dangereux pour notre santé. Ce sont aussi des sites naturels surexploités et dégradés, conséquences d’un sur-tourisme prédateur et d’une urbanisation frénétique sur le littoral comme désormais dans le piémont. De nouvelles régulations sociale, fiscale, environnementale doivent rompre avec ces évolutions néfastes pour la très grande majorité.
Le défi démocratique commande de sortir d’un demi-siècle de conflits et de malentendus entre la Corse et l’Etat. La singularité de notre communauté de destin au sein de la République n’est toujours pas protégée en droit malgré des attentes majoritairement exprimées lors d’élections et dans la société civile. L’extrême-droite a su profiter de cette situation alors que notre société confrontée aux conséquences d’une mondialisation ultralibérale n’a cessé de s’inquiéter de son devenir politique, social et culturel. Contre la communauté de destin, l’extrême-droite prône un droit du sang, une guerre de religion, une identité exclusive et agressive.
Les changements démographiques en cours ne suffisent pas à expliquer le score du RN aux dernières élections. Comme la LDH le constate dans son Manifeste pour une Corse de la fraternité publié en avril, « Nos solidarités sont confrontées à de mauvaises agitations qui fragilisent notre société. Le rejet de l’autre, la xénophobie sont mis en slogans à coups de tags sur les murs et de messages haineux sur les réseaux sociaux. Une nouvelle étape semble franchie avec des bombages antisémites, avec des rassemblements ciblant certains quartiers et terrorisant les personnes d’origine immigrée qui y vivent. »
Avec le dialogue engagé sur l’évolution institutionnelle de la Corse, une porte s’est entr’ouverte pour sortir des logiques d’affrontements et redonner sens à notre communauté de destin. La dissolution a eu pour conséquence de suspendre ce dialogue à l’Assemblée nationale. La LDH demande la relance immédiate de la commission chargée de ce dossier. Souhaitant poursuivre sa contribution à ce dialogue, elle renouvellera alors sa demande d’audition accordée avant la dissolution. Etant acté qu’elle sera auditionnée mi-septembre par la commission sénatoriale en charge de cette question essentielle pour l’avenir de notre société.
L’espoir qui s’est levé dimanche soir ne peut souffrir d’une attente voire d’atermoiements politiques. La LDH Corsica en appelle à des mesures d’urgence de justice sociale traçant le chemin d’un projet solidaire garant de l’effectivité des droits pour toutes et pour tous à l’échelle nationale étendues et adaptées à notre situation spécifique. Elle en appelle également à une réforme institutionnelle prenant en compte la singularité de notre communauté de destin.
Ajaccio, le 09/07/2024