La LDH répond à l’appel citoyen lancé en Europe par SOS Méditerranée et apporte son soutien à l’équipage de l’Aquarius, navire civil de sauvetage dont la mission est mise à mal.
Nous le savons, ce navire qui a déjà sauvé plusieurs dizaines de milliers de personnes en Méditerranée est passé à plusieurs reprises près des rivages de la Corse. A chaque fois, avec à son bord des centaines d’enfants de femmes et d’hommes en détresse, il était en quête d’un port pour accoster. Les présidents de l’Assemblée et de l’Exécutif de Corse avaient alors réitéré leur volonté d’accueillir le navire exprimant une fraternité partagée en Corse à l’égard de ces personnes.
Au nom de la fraternité mise en oeuvre par SOS Méditerranée et pour l’accueil de réfugiés en Corse comme partout en Europe, la LDH participera au rassemblement organisé à Ajaccio samedi 6 octobre à 18h devant la préfecture, au soutien organisé au théâtre de Bastia à partir de 14h30.
Lettre ouverte commune envoyée à plusieurs chefs d’Etats de l’Union
européenne, dont Emmanuel Macron
Paris, le 3 octobre 2018
Monsieur le Président de la République,
Cinq ans, jour pour jour, après la tragédie de Lampedusa, qui a fait au
moins 368 morts, les opérations de sauvetage en Méditerranée sont plus
cruciales que jamais. Il est alarmant que le dernier navire de sauvetage en
Méditerranée centrale puisse être contraint de cesser ses activités. Nous
appelons les dirigeants européens à faire en sorte que l’Aquarius puisse
continuer à sauver des vies en mer.
La décision des autorités panaméennes de radier de son registre maritime
l’Aquarius, navire de sauvetage non gouvernemental opéré par SOS Méditerranée
et Médecins sans frontières (MSF), manifestement suite aux pressions du
gouvernement italien, est un agissement répréhensible. Cela empêchera
d’apporter une aide potentiellement vitale à des personnes vulnérables en
danger, notamment des blessés, des femmes enceintes, des survivants de la
torture, des personnes traumatisées par des naufrages et des mineurs non
accompagnés.
Cette décision n’est que la dernière d’une série de mesures visant à
délégitimer et à bloquer les associations non gouvernementales menant des
opérations vitales de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Elle
risque de contraindre le dernier navire affrété par une ONG à s’éloigner des
eaux les plus meurtrières du monde, ce qui mettrait fin au sauvetage non
gouvernemental qui, pendant des années, a courageusement contribué à sauver des
milliers de vies dans cette partie de la Méditerranée. Toutes les autres ONG
sont bloquées dans les ports italiens ou maltais par des actions en justice ou
ont été obligées de suspendre leurs activités en raison de retards excessifs ou
de refus de débarquer des personnes sauvées dans les ports européens.
Le nombre de morts en Méditerranée centrale pourrait encore augmenter. Même
si les départs d’Afrique du Nord vers l’Europe ont beaucoup diminué -les
réfugiés et les migrants étant de fait piégés dans des conditions abusives en
Libye, déchirée par les conflits- les risques de mourir en mer ont grimpé en
flèche. Depuis le début de l’année, au moins 1 260 personnes sont mortes ou ont
disparu au large des côtes libyennes.
C’est pourquoi, nous exhortons les pays européens à proposer d’enregistrer
l’Aquarius selon des conditions et des critères équitables. SOS Méditerannée et
MSF, ainsi que d’autres organisations qui ne sont plus en mesure de
fonctionner, représentent le meilleur des valeurs européennes et
universelles : le respect de la vie et de la dignité humaines et la
solidarité avec les femmes, les hommes et les enfants fuyant la persécution, la
guerre et les violations des droits humains. Ces organisations de la société
civile sont intervenues là où les gouvernements européens ont renoncé.
Décider de ne pas offrir l’enregistrement à l’Aquarius reviendrait à
approuver une stratégie délibérée visant à entraver l’aide humanitaire légitime
aux êtres humains risquant de se noyer dans les eaux internationales au large
des côtes de l’Europe.
La manière dont les dirigeants européens réagissent aujourd’hui est
cruciale. La solidarité au sein des sociétés européennes doit être encouragée
et célébrée, et non punie.
Monsieur le Président, nous vous exhortons à faire tout ce qui est en votre
pouvoir pour que l’Aquarius et son équipage de sauveteurs professionnels,
compétents et engagés puissent continuer à sauver des vies en mer et que les
autres organisations non gouvernementales qui font actuellement l’objet de poursuites
judiciaires puissent également reprendre leurs activités de sauvetage.
Sincèrement,
Amnesty International
Conseil européen sur les réfugiés et les exilés
Human Rights Watch
Commission internationale de juristes
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
Ligue des droits de l’Homme