samedi 12 février 2022

Tribune « Notre jardin commun, la Méditerranée, se meurt, et nous ne pouvons rester silencieux »

Tribune

Collectif

Du Maroc au Liban, un collectif de vingt-cinq maires, à l’initiative du Marseillais Benoît Payan (PS), demande, dans une tribune au « Monde », que des normes plus sévères en matière d’émissions polluantes soient appliquées pour les navires croisant en Méditerranée.

Publié le 07 février 2022 à 05h30 - Mis à jour le 07 février 2022 à 07h12

Tribune. La Méditerranée est la mer de tous les passages et de tous les commerces depuis l’Antiquité : elle ne représente que 1 % de la surface des mers du globe, mais elle concentre 25 % du trafic maritime et 30 % du trafic pétrolier. Sa biodiversité est unique au monde, 500 millions de personnes peuplent ses côtes et, pourtant, le retard pris dans la protection de la nature et des populations est majeur. Notre jardin commun se meurt, et nous ne pouvons rester silencieux.

Maires de communes qui entourent la mer Méditerranée – ce patrimoine, berceau de notre humanité –, nous constatons tous les jours le drame écologique qui se noue. Nous l’avons affirmé en septembre 2021 lors du congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature [à Marseille] : la mer Méditerranée est un joyau en péril.

Le résultat est déjà sous nos yeux, le bassin méditerranéen est en première ligne face aux changements climatiques : canicules, inondations, sécheresses, incendies dévastateurs, montée des eaux. S’ajoute à cela la pollution de l’air causée par les bateaux, parfois hors d’âge, qui la traversent, et ceux qui y sont à quai.

Et ce sont ceux qui vivent grâce et auprès d’elle qui en paient le prix. Ces catastrophes climatiques et écologiques affectent notre nature et nos concitoyens, en particulier les plus fragiles. Face à la fatalité, nous opposons une volonté politique sans faille.

Notre mobilisation fait écho à celle des acteurs de la société civile, des Etats, de l’Union européenne et des institutions internationales.

Des navires obsolètes et dangereux

Ensemble, nous demandons l’adoption au plus vite d’une zone de réglementation des émissions de polluants atmosphériques, dite zone ECA, en Méditerranée, pour lutter contre la pollution de l’air des navires et réduire les pluies acides qui s’abattent sur notre mer et notre littoral. [Ce dispositif impose à tous les navires circulant dans le périmètre des normes plus sévères en matière d’émissions polluantes.] Une décennie après la mise en place de zones ECA sur les côtes est et ouest de l’Amérique du Nord, après également les Caraïbes, les mers Baltique, du Nord et de Chine, il est urgent d’agir. Par cet appel, nous voulons porter la voix des citoyens qui vivent en première ligne sur toutes les rives de la Méditerranée et peser sur les discussions qui auront lieu dans quelques mois.

Nous, maires des villes et ports méditerranéens, ne pouvons plus accepter la pollution massive engendrée par la circulation de navires obsolètes et dangereux, qui nuit gravement à la santé des populations, contribue au réchauffement climatique, participe à la perte de la biodiversité et mine l’attractivité de nos territoires.

Nous savons l’engagement, sur ces sujets, des ONG et des acteurs de la société civile, qui sont aux avant-postes des solutions, et des armateurs, qui pour certains sont en avance et arment des navires beaucoup plus respectueux de l’environnement et de la santé.

Nous demandons à l’Organisation maritime internationale d’approuver la mise en place de la zone de réglementation en Méditerranée. Nous demandons à nos gouvernements d’accélérer le processus actuel pour aller plus rapidement vers une zone ECA, réglementant non seulement les émissions de soufre et de particules, mais aussi les oxydes d’azote, dont la dangerosité est largement démontrée.

Nous le faisons par responsabilité vis-à-vis de la nature et de nos concitoyens, qui n’ont pas à être les victimes de ces pollutions. Nous le ferons ensemble et avec tous les acteurs qui créent, innovent, militent pour protéger notre Méditerranée, pour protéger le vivant. Nous sommes convaincus que nous pouvons être la solution. Autour de notre mer Méditerranée, comme dans le monde, il est temps d’agir pour tourner la page de l’irresponsabilité écologique.

Souad Abderrahim, maire de Tunis ; Luis Barcala, maire d’Alicante (Espagne) ; Kamel Ben Amara, maire de Bizerte (Tunisie) ; Marco Bucci, maire de Gênes (Italie) ; Michaël Delafosse, maire (PS) de Montpellier ; Francisco Manuel de la Torre Prados, maire de Malaga (Espagne) ; Mustapha El Bakkouri, maire de Tétouan (Maroc) ; Mounir Elloumi, maire de Sfax (Tunisie) ; Mohamed El Sherif, gouverneur d’Alexandrie (Egypte) ; Christian Estrosi, maire (La France audacieuse/Horizons) de Nice ; Hubert Falco, maire (LR) de Toulon ; Mato Frankovic, maire de Dubrovnik (Croatie) ; Hassan Ghamrawi, président de la communauté urbaine d’Al Fayhaa (Liban) ; José Francisco Hila Vargas, maire de Palma (Espagne) ; Mohamed Ikbel Khaled, maire de Sousse (Tunisie) ; Francesco Italia, maire de Syracuse (Italie) ; Jamal Itani, maire de Beyrouth ; Mounir Lymouri, maire de Tanger (Maroc) ; Nicos Nicolaides, maire de Limassol (Chypre) ; Leoluca Orlando, maire de Palerme (Italie) ; Benoît Payan, maire (PS) de Marseille ; Ivica Puljak, maire de Split (Croatie) ; Pau Ricoma Vallhonrat, maire de Tarragone (Espagne) ; Christian Santos, maire de Gibraltar (Royaume-Uni) ; Riad Yamak, maire de Tripoli (Liban).