Madame la ministre,
Votre venue en Corse s’inscrit dans un
contexte politique marqué par des réactions d’incompréhension et de colère,
conséquence de la récente déclaration du ministre de l’intérieur à propos du
dialogue engagé avec le gouvernement. C’est la méthode qui est ici en cause.
Depuis plusieurs années, l’Assemblée de
Corse travaille et délibère sur des sujets essentiels : la lutte contre
l’inflation, l’accès au foncier et à la propriété, la langue corse, la
fiscalité. Pour sa part, la ligue des droits de l’Homme s’est exprimée sur la
nécessité de définir un nouveau droit linguistique, une citoyenneté fondée sur
la résidence et un statut fiscal. Elle a formulé ses réserves sur certains
textes adoptés par les élus territoriaux.
De son côté, le gouvernement n’a cessé d’affirmer
sa volonté de dialogue, selon une procédure en trois temps ; un
dépoussiérage réglementaire en cours puis, si nécessaire, un traitement
législatif voire une réforme constitutionnelle. La LDH a alerté sur les limites
de cette méthode, puisque les délibérations de l’Assemblée de Corse impliquent,
d’ores et déjà, de débattre de modifications d’ordre constitutionnel. Au
fil des mois, la procédure gouvernementale a été perçue comme un moyen
dilatoire, évitant d’aborder les problèmes de fond. Aujourd’hui, affichant un
ton péremptoire, le gouvernement recadre le débat. Il donne le sentiment
« de siffler une fin de récréation ». Ce n’est guère acceptable et ce
n’est pas accepté.
Comment aborder aujourd’hui la volonté de
dialoguer du gouvernement ? Qu’en est-il de sa méthode à l’égard de la
Corse, et de sa vision de ce territoire ? Celui-ci doit-il se contenter
des moyens législatifs existants, et en ce domaine, la LDH est consciente qu’il
existe des marges ; ou peut-on espérer inscrire la singularité corse dans
la Constitution afin de mieux la garantir ? Désormais, allons-nous
assister à une bataille d’experts en lieu et place d’un débat politique qui
doit associer les citoyens et la société civile ? Ne serait-il pas plus
utile de mettre en commun les expertises des uns et des autres afin de mieux
appréhender les blocages européens que vous avancez dans votre argumentaire,
mais qui sont contestés par les élus ?
Penser et organiser autrement la Corse
dans la République, madame la ministre, relève de l’urgence. Dans le
contexte actuel, le gouvernement doit rassurer sur sa volonté de dialogue en
avançant précisément ses ambitions pour la Corse.
La lettre ouverte sur Corsenetinfos
Article et interview d'André Paccou sur Alta Frequenza