André Paccou, membre du Comité central de la LDH, est intervenu lors de la table ronde sur le thème des "Crispations identitaires."
"Citoyennetés et appartenances en
Corse, et au-delà.
Débattre de la Corse à cette tribune n’est pas un hasard. Ce
territoire est emblématique du questionnement sur l’identité. Depuis quarante
ans, la Corse interpelle la République sur son caractère uniforme. On retient
surtout le bruit des bombes. On ne doit pas oublier que le débat a été porté,
sur la base d’une résolution de l’Assemblée de Corse, au niveau constitutionnel.
Le 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel censure l’expression « le peuple
corse, composante du peuple français », contenu dans l’article 1 du projet
de loi Joxe, lui-même adopté, dans son intégralité, par l’Assemblée nationale.
Peu importe, la mobilisation engagée au tournant des années
70, dans le sillage des luttes de décolonisation, et avec l’émergence du
régionalisme, gagne en intensité et en
maturité. La demande de reconnaissance d’une spécificité politique et
culturelle ne cesse de progresser dans la société corse.
La Corse ne laisse pas indifférente. Depuis les évènements
d’Aléria, en août 1975, elle mobilise régulièrement les politiques et les
médias. Cette attention ne se résume pas aux agitations qui peuvent la secouer.
Lorsque le débat se noue enfin, pour
projeter une autre place de la Corse dans la République, les propos se font
sans nuance.
En 1999, Lionel Jospin, premier ministre, engage le processus
de Matignon. Certains, dont son ministre de l’intérieur Jean Pierre
Chevènement, l’accusent d’ouvrir la boîte de Pandore. Ils dénoncent le risque
d’une contagion séparatiste. Quel sens peut-on
donner à cette passion française ? Quelles représentations sont
mobilisées lorsque la place de la Corse dans la République est débattue ? Les
crispations identitaires sont souvent au rendez-vous. Le champ politique est vite
saturé par « les vocabulaires émotionnels » et les affirmations
essentialistes.
La République peine à définir la Corse en son sein. Mais
les Corses ne s’égarent-ils pas dans une quête identitaire au risque de
s’écarter des valeurs universelles ? Le slogan « I francesi
fora », « les Français dehors », les agressions contre des
fonctionnaires, les attentats visant des lieux de culte musulmans, les assassinats
de personnes d’origine maghrébine, le racisme, la xénophobie, les dérives
différentialistes, rappellent que la communauté de destin est une construction
fragile, un débat de société permanent.
Un regard porté sur ces quarante dernières années, avec la
prise en compte de différents contextes et des changements intervenus dans la
société corse, permet d’éviter les pièges de l’identité. On constate alors que
le débat entre la Corse et la République n’est pas épuisé, tandis que la
mondialisation bouscule les Etats et les sociétés. Mais surtout, on s’étonne de
découvrir de nouveaux espaces pour penser la citoyenneté en Corse, et au-delà.
En ce sens, la Corse n’est pas une exception, mais « un laboratoire où se
joue notre avenir »."
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