samedi 14 mars 2015

Conférence de presse LDH Corsica - Ghjuventù tocca à noi : "L'antiterrorisme tourne le dos à l'apaisement"

Texte de la conférence de presse :
"La Corse n’en a pas fini avec l’antiterrorisme.

Malgré le dépôt des armes par le FLNC en juin 2014, et depuis, l’arrêt des attentats, la Corse n’en a pas fini avec l’antiterrorisme.Très récemment, en octobre 2014, puis en février et mars 2015, trois séries d’interpellations sur commissions rogatoires d’un juge antiterroriste, ont visé des militants nationalistes, et d’autres personnes, en tout une quinzaine de personnes gardées-à-vue.On pourrait considérer que cela est normal. Des attentats ont été commis en 2012 et en 2013. Des biens ont été détruits. La justice enquête afin de retrouver les auteurs et complices de ces actes délictueux.

 L’antiterrorisme n’est pas une justice normale

C’est oublier que la justice antiterroriste n’est pas la justice ordinaire, qu’elle dépasse le cadre de la normalité, qu’elle est une porte ouverte à l’arbitraire, comme l’ont démontré dans plusieurs rapports la FIDH, puis Amnesty international et Human Rights Watch. C’est oublier qu’elle est une justice d’exception.
Les opérations de police-spectacle de ces derniers mois, ne dérogent pas à la règle antiterroriste. Comme toutes les opérations de ce type menées depuis plusieurs décennies, elles sont faites pour impressionner l’opinion publique. Elles confirment le caractère inquisitorial de l’antiterrorisme. Le but des gardes-à –vue était de pousser à l’aveu les personnes interpellées et non pas de rechercher des éléments probants pour avancer dans la recherche de la vérité.
L’exploitation d’empreintes sur un sac ayant servi à transporter des aubergines  est à cet égard caricatural. Mais, depuis des décennies, combien de Corses ont subi ces abus de police, avant d’être relâchés sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux ; des centaines, des milliers ? Et combien de fois a-t-on rappelé qu’il aurait suffi de simples convocations au commissariat ou en gendarmerie en lieu et place de ces gardes-à-vue éprouvantes voire humiliantes !

L’antiterrorisme n’est pas une justice sereine

Les conséquences de ces rafles sont connues ; des incompréhensions et des colères, le risque de voir s’enclencher un énième cycle de violences et de répressions. Nous sommes loin de la justice normale et de la sérénité qui doit la caractériser. Parmi les personnes interpellées, quelques-unes, des militants, font l’objet d’une poursuite, et l’un de ces militants, Pierre PAOLI, a été écroué. Faut-il également rappeler qu’en matière d’antiterrorisme, la détention provisoire peut durer quatre années. La situation d’un autre militant nationaliste, Eric MARRAS, en détention provisoire sur le continent depuis mars 2011, toujours en attente de jugement, a été justement dénoncée par ses proches. Faut-il donc envisager le même sort pour Pierre PAOLI, écroué il y a quelques jours à peine, ce qui revient à dire, s’il n’est pas relaxé, que son jugement n’interviendra pas avant 2019 !

L’antiterrorisme est un anachronisme

En fait ce qui est normal aujourd’hui, ou plutôt ce qui tend vers la normalité, c’est la possibilité de pouvoir enfin sortir de la logique d’affrontements permanents, et construire une société apaisée. C’est la volonté de chercher des réponses politiques, et non pas répressives, à des questions politiques. Ce qui est également normal dans ce nouveau contexte, c’est de s’interroger sur l’opportunité des poursuites engagées par le parquet antiterroriste, alors qu’il existe une opportunité véritable de débattre dans un cadre démocratique qui fait désormais consensus.

Ne négliger aucune question qui puisse renforcer le processus d’apaisement

Il est d’abord  urgent de répondre concrètement  à la question du rapprochement des détenus et des prévenus  conformément à ce que dit la loi. Apporter une réponse à cette exigence démocratique et sociale est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. La loi doit être respectée en matière de rapprochement et de liberté conditionnelle pour en finir avec une inégalité de traitement qui touche les détenus et prévenus corses.
Il semble ensuite normal que la question de l’amnistie soit posée. Elle a été posée ailleurs en Europe et en d’autres temps pour la Corse ; elle a toujours contribué à l’élaboration d’une solution démocratique. Pour la ligue des droits de l’Homme et Ghjuventù Tocca à Noi cette revendication est  légitime. Qu’elle soit mise en débat et portée par l’Assemblée de Corse en même temps que par la société civile donnera à cette attente toute sa force. Nous sommes attentifs à tous les débats qui peuvent renforcer un processus d’apaisement attendu depuis des décennies, porteur d’espoir et d’un avenir meilleur."
Ajaccio, le 14 mars 2015