Texte de la conférence de presse :
"La Corse n’en a pas fini avec l’antiterrorisme.
Malgré le dépôt des armes par le FLNC en juin 2014, et
depuis, l’arrêt des attentats, la Corse n’en a pas fini avec
l’antiterrorisme.Très récemment, en octobre 2014, puis en février et mars 2015,
trois séries d’interpellations sur commissions rogatoires d’un juge
antiterroriste, ont visé des militants nationalistes, et d’autres personnes, en
tout une quinzaine de personnes gardées-à-vue.On pourrait considérer que cela
est normal. Des attentats ont été commis en 2012 et en 2013. Des biens ont été
détruits. La justice enquête afin de retrouver les auteurs et complices de ces
actes délictueux.
L’antiterrorisme
n’est pas une justice normale
C’est oublier que la justice antiterroriste n’est pas la
justice ordinaire, qu’elle dépasse le cadre de la normalité, qu’elle est une
porte ouverte à l’arbitraire, comme l’ont démontré dans plusieurs rapports la
FIDH, puis Amnesty international et Human Rights Watch. C’est oublier qu’elle
est une justice d’exception.
Les opérations de police-spectacle de ces derniers mois, ne
dérogent pas à la règle antiterroriste. Comme toutes les opérations de ce type
menées depuis plusieurs décennies, elles sont faites pour impressionner l’opinion
publique. Elles confirment le caractère
inquisitorial de l’antiterrorisme. Le but des gardes-à –vue était de pousser à
l’aveu les personnes interpellées et non pas de rechercher des éléments
probants pour avancer dans la recherche de la vérité.
L’exploitation d’empreintes sur un sac ayant servi à
transporter des aubergines est à cet
égard caricatural. Mais, depuis des décennies, combien de Corses ont subi ces
abus de police, avant d’être relâchés sans qu’aucune charge ne soit retenue
contre eux ; des centaines, des milliers ? Et combien de fois a-t-on
rappelé qu’il aurait suffi de simples convocations au commissariat ou en
gendarmerie en lieu et place de ces gardes-à-vue éprouvantes voire
humiliantes !
L’antiterrorisme n’est pas une justice sereine
Les conséquences de ces rafles sont connues ; des
incompréhensions et des colères, le risque de voir s’enclencher un énième cycle
de violences et de répressions. Nous sommes loin de la justice normale et de la
sérénité qui doit la caractériser. Parmi les personnes interpellées,
quelques-unes, des militants, font l’objet d’une poursuite, et l’un de ces
militants, Pierre PAOLI, a été écroué. Faut-il également rappeler qu’en matière
d’antiterrorisme, la détention provisoire peut durer quatre années. La situation
d’un autre militant nationaliste, Eric MARRAS, en détention provisoire sur le
continent depuis mars 2011, toujours en attente de jugement, a été justement
dénoncée par ses proches. Faut-il donc envisager le même sort pour Pierre
PAOLI, écroué il y a quelques jours à peine, ce qui revient à dire, s’il n’est
pas relaxé, que son jugement n’interviendra pas avant 2019 !
L’antiterrorisme est un anachronisme
En fait ce qui est normal aujourd’hui, ou plutôt ce qui
tend vers la normalité, c’est la possibilité de pouvoir enfin sortir de la
logique d’affrontements permanents, et construire une société apaisée. C’est la
volonté de chercher des réponses politiques, et non pas répressives, à des
questions politiques. Ce qui est également normal dans ce nouveau contexte,
c’est de s’interroger sur l’opportunité des poursuites engagées par le parquet
antiterroriste, alors qu’il existe une opportunité véritable de débattre dans
un cadre démocratique qui fait désormais consensus.
Ne négliger aucune question qui puisse renforcer le
processus d’apaisement
Il est d’abord urgent de répondre concrètement à la question du rapprochement des détenus et
des prévenus conformément à ce que dit
la loi. Apporter une réponse à cette exigence démocratique et sociale est
aujourd’hui plus que jamais nécessaire. La loi doit être respectée en matière
de rapprochement et de liberté conditionnelle pour en finir avec une inégalité
de traitement qui touche les détenus et prévenus corses.
Il semble ensuite normal que la question de l’amnistie
soit posée. Elle a été posée ailleurs en Europe et en d’autres temps pour la
Corse ; elle a toujours contribué à l’élaboration d’une solution
démocratique. Pour la ligue des droits de l’Homme et Ghjuventù Tocca à Noi cette
revendication est légitime. Qu’elle soit
mise en débat et portée par l’Assemblée de Corse en même temps que par la
société civile donnera à cette attente toute sa force. Nous sommes attentifs à
tous les débats qui peuvent renforcer un processus d’apaisement attendu depuis
des décennies, porteur d’espoir et d’un avenir meilleur."
Ajaccio, le 14 mars 2015