ABANDON DE LA VIOLENCE Ces événements laissent des traces qui ne s’estomperont pas en un jour. C’est en pensant à ceux et à celles qui souffrent, encore aujourd’hui, et qui souffriront encore demain que nous disons qu’il est temps d’emprunter les chemins non d’une réconciliation ou d’une rédemption, non d’un quelconque pardon que l’on ne saurait demander à quiconque, mais d’un rétablissement d’une société démocratique, d’une société qui accueille les débats qui agitent la société basque, s’en enrichisse et regarde ses membres, tous ses membres, à égalité de droits comme de responsabilités.
Il ne s’agit pas là de jeter un voile sur le passé, ni de proclamer l’impunité. Aucune société ne peut vivre sans que les faits soient établis et les responsabilités déterminées. Il s’agit de prendre acte de l’abandon de la violence qui, à elle seule, permet d’envisager de reconstruire des liens jusqu’alors rompus.
Depuis l’appel lancé le 17 octobre 2011 par une Conférence Internationale, l’ETA a déposé les armes, les a neutralisées et offert de les remettre sous contrôle international. Cette démarche n’est pas du seul fait des militants de cette organisation, elle provient aussi des hommes et des femmes qui subissent en prison la conséquence de leurs actes et de leur engagement politique comme de ceux et celles qui ont décidé de s’exiler. Elle s’accompagne d’une réelle mobilisation au sud et au nord de la frontière en faveur d’un dialogue entre toutes les forces sociales, associatives et politiques, allant même, au moins au nord, jusqu’à transcender les habituels clivages.

RÉSILIENCE

Face à cet immense espoir, les États espagnol et français restent immobiles. Rien n’est fait pour entendre les victimes autrement que pour magnifier le ressentiment des uns et des autres, rien n’est fait, en France, pays de la déclaration des droits de l’homme, contrairement à la loi, pour assurer aux prisonniers des conditions de détention plus normales, notamment en les rapprochant de leurs familles ; les arrestations se poursuivent, les procès continuent selon les mêmes méthodes d’exception où les avocats des prévenus sont tout autant des cibles que leurs clients. Et il a fallu que la CEDH intervienne pour empêcher de prolonger des peines de prison au-delà de celles qui avaient été infligées. Au total, si, au sud, l’expression politique du mouvement indépendantiste est moins criminalisée, aucun signe ne vient en réponse à la décision unilatérale de l’ETA d’abandonner la lutte armée.
Cette inertie, cet empêchement à toute résilience, doivent cesser. Qu’est ce qui peut justifier de rejeter cette volonté de paix ? La vengeance ? Elle n’a jamais permis de construire quoi que ce soit et elle ne fait qu’entretenir la haine de tous. La peur d’un mensonge de l’ETA ? Outre le peu de réalité de l’argument, que vaut-il mieux prendre le risque de la paix ou laisser ouverte la voie à quelques irrédentistes en recherche d’alibi ? Les gouvernements espagnol et français doivent entendre cette volonté de paix qui s’exprime. Ils en sont nécessairement les acteurs, ils doivent en devenir les facilitateurs.
Raymond Kendall, secrétaire général d’Interpol de 1985 à 2000, actuellement secrétaire général d’honneur. Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme